Intérêt particulier et intérêt collectif à Grenoble

Publié le 19 janvier 2018

Dans plusieurs cas lorsqu’il y a un projet de construction de logements autour de leur résidence, certains habitants se mobilisent pour, soit empêcher la construction, soit imposer la diminution du gabarit. Cette réaction est compréhensible, car personne ne voit d’un bon œil son voisinage perturbé. Par contre ce qui est plus surprenant c’est de voir certains habitants développer des arguments qui essayent d’en appeler à l’intérêt général pour effacer l’aspect purement particulier de leur démarche. Leurs explications ne tiennent pas, et ils tentent alors de faire appel à des responsables politiques, en espérant que ces derniers interviendront en leur sens. Si le projet atteint leur intérêt personnel, ce qui est tout à fait entendable, il convient que les personnes concernées défendent leurs droits et que la justice dise le droit.

La différence notable est que les futurs habitants d’un projet de construction n’existent que potentiellement et ne peuvent se mobiliser. C’est encore plus évident quand il s’agit d’une construction de logements sociaux dont les futurs locataires attributaires sont inconnus.

Autre différence importante : des responsables politiques ont en charge la réalisation de logements, en particulier sociaux, et sont donc préoccupés pour l’avenir de la collectivité, alors que certains responsables politiques s’appuient sur une logique clientéliste pour relayer des intérêts particuliers existants.

La meilleure preuve de ces logiques contradictoires c’est qu’il n’y a que peu de contestation contre des constructions dans un quartier qui comporte peu d’habitations de voisinage.

Nous sommes en principe dans un pays démocratique et un État de droit et, en ce qui concerne l’urbanisme, le droit est fondé sur le Plan Local d’Urbanisme (PLU) qui n’est certainement pas parfait puisqu’il évolue régulièrement pour s’améliorer. Mais c’est la loi qui s’impose à tous, élus, administrations, promoteurs et habitants. Comme le dit notre Constitution, c’est la loi qui fixe l’intérêt général et elle est la même pour tous.

Des collectifs réels ont ainsi choisi, dans les mandats précédents, de contester des orientations et des règlements du PLU ou de zones d’aménagement concerté qui ne correspondaient pas à l’intérêt général.

C’est ainsi que dès son arrivée, en décembre 2014, la nouvelle équipe municipale a, dans l’urgence, modifié le PLU pour en corriger les aspects les plus critiquables et cette compétence urbanisme a été transférée à la métropole au 1er janvier 2015. Prochainement (peut-être en 2019) la métropole arrêtera le PLU intercommunal (PLUI) qui pourra encore corriger et faire évoluer le règlement d’urbanisme pour les communes de l’agglomération. Libre aux habitants et à leurs associations d’intervenir pour faire évoluer le règlement dans le sens qui conviendrait à une majorité d’entre eux.

Mais, alors qu’ils ne sont pas intervenus lors des élaborations des règlements du PLU, et qu’ils ne les ont pas contestés, délaissant ainsi ces affaires collectives, certains interviennent sur le projet de construction régulièrement déposé, lorsque cela a des incidences sur leur propriété privée voisine. Souvent les arguments avancés critiquent les hauteurs des constructions, le nombre de logements notamment sociaux et la densité des constructions.

Il serait important de distinguer les opérations non spéculatives et celles à visées spéculatives qui utilisent le maximum de ce que permet le PLU et ont pour conséquence de maximiser les prix des logements. Il faut aussi mesurer les importants surcoûts induits par certains recours, c’est pourquoi il serait important que la justice aille plus rapidement pour trancher les litiges.

La contestation du nombre de logements sociaux est courante mais irrecevable politiquement, puisqu’environ 2/3 des habitants sont éligibles au logement social, donc tant qu’en moyenne il y a moins de 2/3 de logements sociaux dans un programme d’aménagement, il n’y a pas à le critiquer. Actuellement, dans le PLU, c’est souvent le taux de 40 % de logements sociaux qui est maintenant imposé, dans les quartiers où le taux de logements sociaux est trop faible. Il n’y a rien d’excessif.

Notre État de droit permet aux habitants qui estimeraient que la construction qui les impacte ne respecte pas les règles du PLU, de contester le permis de construire qui reste délivré par le maire.

Précisons tout de même certains points souvent méconnus. Ce n’est pas le conseil municipal (les élu-es) qui délivre les permis de construire, mais le maire en son pouvoir qu’il détient de l’Etat (et non de l’élection), représentant de l’Etat dans sa commune ayant pouvoir de police de l’urbanisme, et le droit lui fait obligation de délivrer un permis de construire à toute personne physique ou morale qui a la capacité de le déposer et dont les services instructeurs estiment qu’il répond aux règles du PLU. A ce titre, le maire n’a que peu de latitude pour refuser un permis de construire, et il ne peut accorder un permis qui ne respecterait pas le PLU. Le maire a un délai très bref (3 mois) pour éventuellement retirer un permis qu’il a délivré, s’il estime après coup qu’il est irrégulier. Une fois délivré le permis crée un droit pour le demandeur, droit qui peut s’éteindre au bout de quelques années si rien n’est fait pour démarrer le projet.

Une modification, contestable mais légale, du droit de l’urbanisme permet même depuis quelques années d’autoriser des permis modificatifs en cours de procédure de contestation.

Les demandeurs d’un permis de construire, qu’ils soient privés ou publics, ont, dans ce cadre réglementaire, des droits que le juge est chargé de faire respecter en cas de recours, y compris en cas de recours abusif.

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