Financement du logement social, attention danger !

Publié le 6 décembre 2019

Datant de juillet 2019, mais publié seulement en novembre, un rapport intitulé « La diversification des sources de financement du secteur du logement locatif social » a été réalisé par l’inspection Générale des finances (IGF) et le Conseil Général de l’environnement et du développement durable (CGEDD). Il s’interroge notamment sur la mobilisation des capitaux privés pour financer le logement social en France.

Ces interrogations deviennent plus prégnantes vu des difficultés que connait le secteur depuis la violente agression que les bailleurs subissent (surtout ceux en QPV) et la création début 2018 de la réduction du loyer de solidarité (RLS) qui accompagne la diminution des APL pour les locataires du logement social. La politique Macron a été clairement explicité par le Président dès fin 2017 et se met inexorablement « en marche » : faire des économies pour le budget de l’Etat en diminuant le poids de APL, diminuer le nombre de bailleurs, pas de bailleurs de moins de 12000 logements en fin 2020 (ACTIS est particulièrement concerné puisqu’il est passé sous ce seuil) et financiariser ce secteur du logement et y faire pénétrer de puissants intérêt privés qui viendront au secours de ce secteur asphyxié financièrement. Il est en effet évident que les logements sociaux ont une valeur économique bien supérieure à celle inscrite au bilan des bailleurs et cela attire des convoitises et certains élus peu regardants sur le patrimoine public (comme l’ancien maire corrompu de Grenoble) pourraient céder aux sirènes financières d’autant plus que les collectivités sont asphyxiées financièrement par les politiques gouvernementales successives.

Même si ce rapport défend l’intérêt public du logement social, il a été missionné pour étudier la pénétration de capitaux privés sous diverses formes. On peut y lire : « … le maintien dans les années à venir d’objectifs de construction ambitieux, notamment en zone « tendue », suppose un renforcement des fonds propres des organismes et pose la question de l’irruption de capitaux privés. »

Ce qui inquiète l’USH (Union Sociale pour l’Habitat) qui appelle le gouvernement à sortir du double jeu dans un communiqué du 21 novembre :

« L’Union sociale pour l’habitat a pris connaissance aujourd’hui, par voie de presse, du rapport commandé par le Gouvernement à l’Inspection Générale des Finances (IGF) et au Conseil général de l’Environnement et du Développement durable (CGEDD), daté de juillet 2019, et intitulé « La diversification des sources de financement du logement social ». Ce rapport présente un certain nombre d’options qui viseraient à faire évoluer le modèle économique du logement social en France en ouvrant le secteur à des investisseurs privés.

Le Mouvement Hlm n’est pas dupe, et dénonce la mécanique mise en place depuis 2017 :

  • Baisse des APL pour les locataires du parc social et mise en place de la Réduction de Loyer de Solidarité, supportée par les organismes Hlm : pour rappel, le total des économies réalisées par l’Etat sur le financement du logement social s’élève à plus de 7 milliards d’euros entre 2017 et 2020 ;
  • Nécessité pour les organismes Hlm, pour satisfaire les besoins d’investissement, d’accroître leur endettement ;
  • … Et aujourd’hui, un rapport administratif « constate » la nécessité d’ouvrir le financement du logement social à des acteurs financiers privés.

Sans jamais considérer la situation des familles aux revenus modestes logées en Hlm, ni les deux millions de ménages en attente d’un logement social, le rapport indique ainsi explicitement que « l’intérêt des investisseurs privés pour le logement social est tangible, malgré un système laissant peu circuler le capital et soumis à un principe de lucrativité limitée (plafond de dividende, évaluation des bilans des bailleurs à la valeur historique du parc et non à la valeur de marché, mises en réserve obligatoire des plus-values de cessions). »

Pour rappel, le Mouvement Hlm n’a pas attendu pour ajuster son modèle de financement et travaille avec ses partenaires de long terme dans ce domaine, mais il exclut toute solution qui faciliterait la financiarisation de son modèle.

Le Mouvement Hlm attend du Gouvernement qu’il s’oppose sans ambiguïté à toute forme de financiarisation du logement social au profit d’intérêts privés et au détriment de sa mission sociale.

Pour Jean-Louis Dumont, président de l’Union sociale pour l’habitat« il est devenu dans les habitudes de Bercy de maltraiter le logement social. Avec ce rapport, les masques tombent. Et je pose une question : quels intérêts sert ce rapport ? Celui des intérêts financiers qui conçoivent l’immobilier social comme une opportunité par temps de taux bas, ou ceux des habitantes et des habitants qui vivent dans un logement social ou attendent un logement social ? Le choix de la privatisation du logement social, d’autres pays l’ont fait et cela a eu des effets désastreux. Je ne souhaite pas à la France, pour sa cohésion, ses territoires, son économie, de vivre la même expérience. Le logement social est au service des personnes et des familles qui ont des revenus modestes, ça n’est pas qu’une affaire de tableur Excel. »

Lire ici le communiqué de presse de l’USH,

…et le rapport de l’IGF.

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