49-3, la honte…

Publié le 6 mars 2020

La majorité LREM a distillé dans les médias sa lamentable argumentation sur le nombre d’amendements déposés par les oppositions (surtout LFI et PCF) et la durée soi-disant excessive des débats : pour rappel en 1905 les discussions sur la loi de séparation ne durèrent pas moins de 9 mois. Les 314 milliards du budget des retraites (soit le 1/4 des finances publiques de la Nation) ne méritaient-ils pas aussi quelques semaines de débat parlementaire supplémentaire ? Pourquoi ce coup de force ?

Au lieu de cela nous assistons à une première historique : l’utilisation de l’art. 49 al 3 de la Constitution de la 5e République alors que le gouvernement dispose de la majorité absolue afin – on l’aura compris – de faire cesser les débats à l’assemblée, qui allaient justement porter sur les questions sensibles de l’âge pivot et celle de la valeur du point. Deux sujets qui auraient révélé au Français-es le flou du texte et qui auraient mis une autre fois en très grande difficulté la majorité. 

Le Conseil d’Etat lui-même avait soulevé de très nombreux défauts du texte et avait été obligé de rendre son avis là encore en urgence.

Au final le gouvernement a donc pris la décision de suspendre lâchement la démocratie en profitant de la crise sanitaire du Coronavirus (que n’aurait-il pas plutôt reporté les travaux de l’AN ?) et a fait adopter un texte voté à l’aveugle par les député-es et réécrit dans l’obscurité des cabinets ministériels.

Et on apprend qu’à l’Assemblée nationale le groupe LREM a refusé au groupe PS et apparentés la tenue d’une commission d’enquête au sujet de l’étude d’impact de la réforme, qui il faut le dire soulève de lourdes interrogations quant à sa sincérité. Et alors qu’il s’agit d’un droit (dit « de tirage ») pleinement reconnu par la Constitution de 1958 à l’opposition ! Toutes les oppositions ont soutenu cette demande.

C’est donc encore une ligne rouge qui a été franchie ouvrant la voie à un régime autoritaire, ce qui a fait dire au député Vallaud (PS) jeudi dernier que la « dictature de la majorité » s’exerçait désormais au Parlement. 

Question : dans quel autre pays démocratique digne de ce nom une telle supercherie serait-elle possible ? 

Plus généralement nous assistons avec E. Macron et LREM depuis des mois à un glissement vers un régime antidémocratique et autoritaire qui réprime ses opposant-es dans la rue et maintenant veut les faire taire à l’assemblée. Tout cela pour complaire aux intérêts privés du fonds de pension US Blackrock et consorts. 

L’heure est grave pour notre démocratie vendue et dépecée au nom d’intérêts privés par leurs commis. Sur le terrain de la suspension des libertés publiques jusqu’où iront-ils ? Les prochaines semaines vont être cruciales. L’annulation de cette loi devrait être une priorité politique absolue si la gauche revenait au pouvoir en 2022. Si d’ici là le Conseil constitutionnel n’intervenait pas …
Avec toutes ces manœuvres antidémocratiques, Macron risque de préparer l’accession au pouvoir de l’extrême-droite en France. La construction d’une alternative politique est devenue urgente par le rassemblement des forces progressistes, de gauche, écologistes et citoyennes, comme à Grenoble pour les élections municipales.

Voilà un large extrait du message du sénateur de l’Isère, Guillaume Gontard à ce sujet :

« Nous y sommes donc, le Gouvernement a dégainé l’article 49.3 de la Constitution pour faire passer en force son projet de loi instituant un système soi-disant « universel » de retraite. Le Premier ministre a cru bon de profiter d’un Conseil des ministres réuni en urgence pour traiter du coronavirus pour choisir d’engager la responsabilité du Gouvernement. Appeler à l’unité nationale face à l’épidémie tout en fracturant davantage la société en brutalisant une nouvelle fois notre démocratie, nous avons atteint un nouveau paroxysme du « en même temps macronien » …

Avec cette réforme des retraites, le Gouvernement a battu tous les records du mépris démocratique :

  • concertation bâclée par un haut-commissaire ensuite démissionné pour conflit d’intérêt,
  • syndicats bafoués par une annonce du report de l’âge de départ à taux plein qui devait pourtant être sanctuarisé,
  • manifestants et grévistes totalement méprisés malgré un soutien populaire nettement majoritaire,
  • Un président de la République déconnecté au point de refuser le mot « pénibilité » pour parler du travail
  • Conseil d‘Etat irrité par une étude d’impact complètement faussée
  • Une conférence de financement convoquée en urgence pour trouver une solution à un texte aussi mal préparé
  • Parlement corseté par un calendrier intenable et désormais humilié par le 49.3

Ce débat parlementaire s’est ouvert avant les résultats de la conférence de financement. Examiner une réforme des retraites dont les conséquences se feront ressentir pendant un demi-siècle sans savoir comment elle sera financée. La République marche sur la tête. Mais pire encore, le texte de 65 articles comporte 29 ordonnances … Les parlementaires sont invités à voter sur un texte à trou et à confier un blanc-seing au Gouvernement pour saccager l’héritage du Conseil national de la Résistance.

Le fond de l’affaire c’est que ce texte est mal préparé. Le Gouvernement navigue à vue, il n’est pas capable de proposer un simulateur pour les citoyens. Il n’est pas capable de dire sur quoi sera indexé le fameux « point » qui déterminera le montant de nos retraites. Il n’a pas été en mesure de produire une étude d’impact sincère, il a bâclé 1000 pages publiées 4 jours avant le débat parlementaire… Et il cherche à accélérer encore et toujours le débat. Résultat le texte n’a pas pu être examiné en entier par la commission spéciale et il n’a pas pu être étudié en entier en séance publique. Ne pouvait-on pas débattre plus de 15 jours d’une refonte totale de notre système de retraite ? Est-ce insupportable à ce point pour ce Gouvernement qui saccage les conquis sociaux à marche forcée de débattre quelques semaines au Parlement. Il n’y aura qu’une seule lecture complète, au Sénat…

Durant les 15 maigres jours où l’Assemblée nationale a pu débattre, la majorité et le Gouvernement n’ont répondu à aucune des inquiétudes des Françaises et des Français exprimées depuis décembre. Alors, en difficulté, il coupe court au débat pour éviter de montrer sa faiblesse. En politique, comme toujours, la faiblesse fait le lit de l’autoritarisme.

Si le 49.3 a été utilisé 88 fois sous la Ve République, c’est la seconde fois seulement qu’un Gouvernement disposant d’une large majorité docile utilise le 49.3, non pas pour discipliner sa majorité, mais pour raccourcir le débat. Le précédent date de 2003 et du Gouvernement Raffarin. Il est déplorable de voir que des majorités ayant été élues par un grand mouvement d’union nationale pour faire barrage à l’extrême droite considère qu’elles peuvent gouverner le pays à marche forcée en méprisant les oppositions alors qu’elles devraient les écouter davantage encore que ce qu’exige ordinairement la démocratie.

Avec cette énième brutalité faite à son peuple, ce Gouvernement sourd et désormais aveugle joue un jeu particulièrement dangereux.

A nous maintenant, dans quelques semaines au Sénat de porter ce débat et de montrer qu’un autre projet est possible, plus juste, solidaire, humaniste qui donne un autre sens à la vie, une autre place au travail en considérant l’ensemble des activités humaines tout au long de l’existence, toutes indispensables au bon équilibre de notre société. »

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