Le maire de Grenoble en appelle au gouvernement à propos de la situation des étudiants

Publié le 29 janvier 2021

Dans une lettre du 26 janvier, Eric Piolle écrit à deux ministres, Madame Frédérique Vidal ministre de l’Enseignement supérieur de la Recherche et de l’Innovation et Monsieur Olivier Véran ministre des Solidarités et de la Santé, pour leur demander des actions immédiates concernant la crise sociale inquiétante qui atteint une grande partie des étudiants.

« Grenoble accueille plus de 68 000 étudiants sur son campus universitaire. L’ensemble des établissements d’enseignement supérieur du territoire contribuent à faire de Grenoble l’une des premières villes françaises où il fait bon étudier.

Cependant, depuis bientôt un an, les étudiant-es sont touchés de plein fouet par la pandémie.

Au 25 janvier 2021, aux côtés des acteurs de la Culture, les étudiant-es sont les « derniers confinés ». Cette différence de traitement avec le reste de la population impose une double peine à ces jeunes qui présentent déjà de nombreuses vulnérabilités. En 2019, 20% des étudiants vivaient sous le seuil de pauvreté. Précarité alimentaire, précarité en besoins de premières nécessité, fracture numérique sont le lot d’un trop grand nombre d’entre eux. A Grenoble, près de 400 repas sont ainsi distribués chaque semaine par notre CCAS aux étudiant-es en situation de précarité. La concurrence exacerbée, elle, commence dès

ParcourSup et jalonne les parcours d’année en année : elle est une insécurité supplémentaire.

Enfin, être étudiant recouvre aujourd’hui une multitude de réalités ; les élèves de classes préparatoires par exemple, fréquentent leurs cours en présentiel.

A un âge où l’on se construit et qui détermine les horizons de toute une vie, ces fragilités impactent durablement la santé mentale. Fin 2020, 29% des jeunes de 18-24 ans se disaient « déprimés ». Malheureusement, les sondages se traduisent en actes. Au niveau national, même s’il est impossible de connaître la réalité des chiffres, on recense au moins 9 suicides d’étudiants. Devant l’effacement de l’Etat, dans le bassin grenoblois, ce sont les étudiant-es qui ont monté leur propre ligne d’écoute. Accessible tous les soirs de 20h à 2h du matin, elle est animée par des pair-es, formé-es en urgence. Cette remarquable capacité de mobilisation ne doit pas cacher les manquements des Ministères successifs.

Selon Nightline France, un psychologue pour 1 000 à 1 500 étudiants serait nécessaire. On en compte, aujourd’hui en France, un pour 30 000 en moyenne. Un « chèque psy » représente une avancée en situation d’urgence, cependant le non-recours aux soins de santé mentale n’a pas pour seul corollaire le manque de moyens financiers. Le manque d’offre de soins, la mésinformation des étudiants et les tabous encore prégnants sont autant d’obstacles qu’un « chèque psy » ne lèvera pas. Nous demandons une campagne d’information massive autour de la santé mentale permettant aux étudiants de s’informer, d’être orientés et écoutés. Nous demandons le recrutement, en urgence, du plus grand nombre d’assistantes sociales et de psychologues pour atteindre le taux le plus proche possible de celui cité ci-dessus et la pérennisation de l’ensemble de ces postes.

A l’heure où les grandes surfaces et l’ensemble des commerces non-essentiels sont ouverts, nos lieux de construction d’une société apprenante demeurent fermés. Vous avez annoncé, la semaine dernière, le retour des étudiants en cours, un jour par semaine. Malgré ces annonces, le retour des étudiants en présentiel est complexe, dans les faits, en raison du manque de professeurs en capacité d’animer les travaux dirigés. Nous demandons des moyens humains supplémentaires et l’indemnisation des enseignants à la hauteur de la multiplication du temps de travail que la mise en place de groupes restreints suscite. Le Grenelle de l’éducation risque de dégrader le service public d’éducation à l’heure où des créations massives de postes devraient être proposées.

La précarité, les fragilités de santé et l’isolement étaient déjà connus lorsque les étudiants fréquentaient les bancs de l’université cinq jours par semaine. L’accès à deux repas à l par jour est une mesure d’urgence nécessaire, mais bien difficilement applicable avec le couvre-feu à 18 heures et pour les établissements ne disposant pas d’un restaurant universitaire. Cette mesure n’aurait cependant pas lieu d’être si le système de bourses couvrait l’ensemble des situations et si, par ailleurs, les aides sociales comme les APL n’avaient pas été amputées.

Retirer aux plus modestes 5€ par mois d’aide pour les redistribuer sous forme de soutien alimentaire ponctuel, c’est là toute l’incohérence de votre politique. Nous demandons le gel des coupes budgétaires dans les aides sociales et la mise en œuvre, à minima, des objectifs du plan pauvreté. Et parce que tous les jeunes ne sont pas étudiants, nous renouvelons la nécessité absolue de mettre en place un RSA jeunes.

Le défi de l’accès du plus grand nombre à un enseignement supérieur de qualité ne doit pas impliquer qu’une partie des étudiant-es mettent en péril leur confiance en eux, leur situation économique et a fortiori, leur santé physique et mentale. La France, si elle veut continuer à être une nation apprenante, doit faire de ses étudiant-es des citoyen-nes qui jouissent Jes mêmes droits à vivre en sécurité et en bonne santé, afin de se former et de s’émanciper dans les meilleures conditions.

Dans l’attente d’une réponse, nous nous tenons à votre entière disposition pour échanger ou privilégier l’organisation d’une rencontre…

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