C’est ce que propose la très officielle Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) dans un avis du 11 février 2021 publié au journal officiel, adopté à l’unanimité moins quatre abstentions. La CNCDH est assimilée à une Autorité administrative indépendante, elle est une structure de l’Etat qui assure en toute indépendance, auprès du Gouvernement et du Parlement un rôle de conseil et de proposition dans le domaine des droits de l’Homme, du droit et de l’action humanitaire et du respect des garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques.
« La CNCDH considère donc qu’il est urgent de rétablir une authentique police de proximité dont la priorité soit la reconstruction d’une relation privilégiée et bienveillante avec la population, se substituant à la réponse principalement réactive et punitive actuelle. Une présence policière accrue, assurée par un maillage territorial resserré et des agents ancrés dans leurs territoires, disponibles et à l’écoute des citoyens, faciliterait les échanges avec toutes les catégories de la population…
La CNCDH déplore, par ailleurs, l’attribution croissante de missions de police judiciaire à la police municipale. Cette tendance ne va pas dans le sens d’une pacification des rapports entre la police et la population, et ne peut qu’encourager un désengagement de l’Etat et de la police nationale au profit d’agents chargés de mettre en œuvre les priorités de certains élus locaux, particulièrement sensibles aux enjeux électoraux. »
Voici le résumé de cet avis
« La France se situe depuis plusieurs années dans le tiers inférieur des Etats de l’Union européenne pour le niveau de confiance exprimé par la population à l’égard de sa police. Parfaitement consciente des difficultés auxquelles sont confrontés les policiers dans l’exercice de leur mission, la CNCDH invite les pouvoirs publics, dans plus d’une vingtaine de recommandations, à mettre en place des réformes structurelles (cadre d’intervention, formation, encadrement, services d’enquête et d’inspection, etc.) afin de promouvoir une police républicaine, au service de la population et garante des droits et libertés fondamentaux. En se donnant les moyens de poursuivre cet objectif, les autorités contribueront ainsi non seulement à restaurer la confiance entre les citoyens et la police, mais également à revaloriser et faciliter le travail de cette dernière »
Voici deux extraits importants de l’avis :
1. « La garantie des droits de l’Homme et du Citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée ». Aux termes de l’article 12 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, la garantie des droits et libertés fondamentaux est la raison d’être d’une police républicaine (1). Parce que la police est un service public au service de la garantie des droits et libertés des citoyens, l’altération de ses relations avec la population constitue une préoccupation majeure dans un Etat de droit. C’est la raison pour laquelle la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), particulièrement inquiète de cette situation, souhaite par le présent avis, fruit d’une réflexion menée depuis près d’un an et nourrie de nombreuses auditions (2), contribuer au rétablissement de la confiance entre la police et la population à l’heure où un débat public s’engage avec le « Beauvau de la sécurité »…
I-2. Restaurer une police de proximité
17. Rapprocher la police de la population, à partir d’un meilleur ancrage territorial, d’une présence visible et du développement de partenariats locaux, était déjà au cœur de la police de proximité mise en œuvre à la fin des années 1990. Remise en cause en 2002 par le ministre de l’intérieur d’un nouveau gouvernement, elle n’a pas eu le temps de produire des effets mesurables sur le terrain. Pourtant, comme le rappelle un rapport du Sénat de 2006, la plupart des élus locaux avaient jugé positive cette initiative, mettant en avant une « meilleure présence sur le terrain », un « dialogue plus facile avec la population », un « recueil d’informations plus ciblées, une occupation plus pertinente du territoire et un meilleur traitement d’approche des victimes ».
18. D’après plusieurs personnes auditionnées, la police de sécurité du quotidien, lancée en février 2018, n’a pas rempli ses promesses. Annoncée comme visant à « replacer le service du citoyen au cœur de l’action des forces de sécurité », à renouer le dialogue entre les agents et les jeunes des quartiers difficiles, elle s’est manifestée en pratique par un renforcement des effectifs dans ces quartiers, sans redéfinition de leurs missions. Elle ne s’est concrétisée, depuis 2018, que par la création de 47 « quartiers de reconquête républicaine » que leur désignation même inscrit dans une rhétorique stigmatisante, non démentie par la priorité donnée à l’approche répressive (notamment en matière de lutte contre les trafics) dans les discours qui lui sont consacrés.
19. La CNCDH considère donc qu’il est urgent de rétablir une authentique police de proximité dont la priorité soit la reconstruction d’une relation privilégiée et bienveillante avec la population, se substituant à la réponse principalement réactive et punitive actuelle. Une présence policière accrue, assurée par un maillage territorial resserré et des agents ancrés dans leurs territoires, disponibles et à l’écoute des citoyens, faciliterait les échanges avec toutes les catégories de la population. Des partenariats doivent être systématiquement mis en place avec les maires, les bailleurs sociaux, les associations de résidents et de quartier, et se traduire par l’organisation de rencontres fréquentes entre les habitants et les policiers affectés à leur territoire. La revalorisation des missions sociales de la police est essentielle. La CNCDH a été particulièrement intéressée par l’opération #RépondrePrésent lancée par la gendarmerie nationale pour accompagner les populations vulnérables ou fragilisées pendant le confinement du printemps 2020, qui s’est traduite par des mesures d’assistance aux personnes âgées ou malades, de transports de médicaments, de distribution de devoirs etc, en liaison avec les acteurs économiques locaux. La CNCDH est convaincue de la nécessité d’encourager ce type d’initiatives pour favoriser le dialogue et restaurer la confiance, tout en répondant au sentiment d’insécurité des habitants. Les spécialistes soulignent combien la qualité du lien social est importante pour maintenir la qualité du renseignement. En outre, l’instauration d’un climat de confiance entre les agents de police et les jeunes d’un quartier sensible s’avérera plus efficace sur le long terme qu’une approche exclusivement répressive pour prévenir les incivilités et la petite délinquance. »
Mots-clefs : collectivités, droits humains, police, Sécurité, tranquilité publique