La pollution des vallées alpines financée par l’Etat !

Publié le 21 janvier 2022

Le 18 janvier le maire de Grenoble a fait une conférence de presse avec des élus de Chamonix et des associations environnementales pour dénoncer un scandale qui se perpétue depuis 2012, un gros détournement de fonds publics ou l’Etat finance le développement de la pollution routière dans les vallées alpines via un fonds interministériel pour le développement de l’intermodalité !

Alors que 2022 est une année clé pour le climat, après la condamnation de la France par l’Union Européenne, après le jugement du Conseil d’Etat du 1er juillet 2021 (procédure à laquelle participe Grenoble) c’est fort de café !

Rappelons que ce jugement confirme l’insuffisance d’actions concrètes du gouvernement français pour protéger la population en baissant de 40 % les émissions de GES d’ici 2030 et fixe à la France un délai de 9 mois pour adopter un plan de mesures concrètes et adaptées (ce plan expire en mars 2022).

Le FDPITMA (Fonds pour l’Intermodalité dans le Massif Alpin) c’est quoi ?

Un fonds repéré en 2015 par Pierre Meriaux, via sa participation à l’AG des actionnaires de la Société Française du Tunnel Routier du Fréjus (SFTRF), crée en 2002, inactif jusqu’en 2012.

Déjà il a fallu 3 ans de batailles procédurales à la ville pour obtenir la convention de financement entre le FDPITMA, la Société des Autoroutes du Mont Blanc (ATMB), et la SFTRF, document public relatif à des fonds publics…

Elle a été signée en 2012 (sous Hollande donc) pour compenser jusqu’en 2050 (!) les déficits récurrents de la SFRTF en ponctionnant la société des Autoroutes du Mont Blanc ATMB de ses bénéfices. Ainsi l’Etat éviter une recapitalisation, fait dénoncé par la Cour des Comptes dans un rapport au premier Ministre du 26 juillet 2019.

Ce fonds détourné révèle l’incurie dans la gestion des autoroutes et tunnels publics dans les Alpes, pour un coût annuel de 20 M€ par an jusqu’en 2050, soit déjà 200 M€ détournés de l’objet du FDPTIMA.

Car le code des transports dit que l’objet de ce Fonds est : « de concourir à la mise en œuvre d’une politique intermodale des transports dans le massif alpin par le financement des différents modes de transport et les éventuelles prises de participation nécessaires à cet effet. » (Article R1512-2).

L’objet du FDPIMA n’est pas de compenser les pertes d’une société autoroutière, mais bien de mettre en œuvre une politique intermodale des transports. Pour le fret marchandises, cela signifie développer les modes ferroviaires et fluviaux pour porter leur part à 25 % du trafic en 2022 (contre 14 % en 2009) pour tenir les objectifs de réduction des émissions de gaz polluants et d’économie d’énergie fixés dans la loi, suite au Grenelle de l’environnement.

C’est pourquoi Grenoble a décidé de porter plainte au pénal pour détournement de fonds publics et prise illégale d’intérêts. Le FDPITMA, dans les faits, se comporte comme une société mère qui disposerait de participations et qui équilibrerait les pertes et les bénéfices de ses filiales, toutes dédiées à un seul mode de transport : le mode routier.

Ce détournement tombe sous le coup de l’article 432-15 du code pénal sur les détournements de fonds publics.

Par ailleurs l’octroi d’une subvention publique à une société privée par des administrateurs siégeant aux conseils d’administration des deux organismes FDPITMA et SFTRF constitue aussi une prise illégale d’intérêts.

Le Procureur de la République d’Albertville (et on connait en France l’indépendance des procureurs…) a estimé que la plainte n’était pas fondée.

Le juge d’instruction l’a suivi dans ses raisonnements, sans répondre à tous les arguments de la ville. Grenoble a donc décidé de se pourvoir en appel.

En 2022 ce détournement est inacceptable pour la santé des populations victimes de la pollution de l’air et – dans la droite ligne des affaires judiciaires déjà gagnées pour inaction climatique – il est de la responsabilité du juge de sanctionner l’Etat lorsque celui-ci est inactif, ou lorsqu’il détourne de son objet des dispositifs qui protègent la population de l’impact des pollutions liées au trafic routier.

C’est d’autant plus urgent que des solutions opérationnelles de report modal existent, et pourraient être mises en œuvre rapidement avec une réelle volonté politique de protéger les habitants.

Actuellement, les décisions prises vont dans le sens exactement opposé : le 2e tube du tunnel routier du Fréjus, prévu à l’origine comme galerie de sécurité, va être ouvert à tous les trafics à la mi-2022 ! Conséquence : cela va entrainer une augmentation du trafic routier en Maurienne et donc en Grésivaudan.

Dans le même temps, aucun investissement significatif n’est fait sur le réseau ferré. Il n’y a toujours pas de nouvelle plateforme intermodale sur le Corridor Lyon-Turin, qui pourrait pourtant disposer d’un financement via le FDPITMA !

Signalons aussi que la présidence de ces 2 sociétés autoroutières à capitaux publics est un sacré fromage puisque c’est la même personne qui préside ATMB et SFTRF, le maire de Chambéry Thierry REPENTIN, qui se fait rémunérer 65 000 € par an par chacune jusqu’en 2019 (soit 130 000 € par an, si, si) « réduits » à 32 500 et 34 500 € en 2020 avec son nouveau mandat de maire ! Un maire peu pressé de réduire la pollution routière dans les vallées alpines donc…

Cette conférence de presse a eu des effets immédiats sur les élus de la vallée de l’Arve (de droite) qui ont demandé une ZFE dès le 20 janvier, financée par le FDPITMA. Comme quoi Grenoble a raison de faire prévaloir l’intéret général sur les choix partisans !

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