Arnaque par Macron et les sociétés autoroutières

Publié le 18 février 2022

Depuis que les autoroutes ont été concédées aux sociétés autoroutières, il y a régulièrement des études démontrant que ces sociétés ont réussi avec l’aide des gouvernements successifs à faire des superprofits sur le dos des usagers. Mais le « péage d’or » doit être décerné à Emmanuel Macron qui, en 2015, alors qu’il était ministre de l’économie du gouvernement Hollande, a permis d’organiser une véritable arnaque au profit de ces puissantes sociétés.

Tout démarre par le fameux accord secret du 9 avril 2015, entre le gouvernement et les sociétés autoroutières prolongeant les concessions en contrepartie de nouveaux travaux (dont la réalisation à 2 fois 3 voies de l’A 480 par AREA). Accord organisé par Macron qu’il voulait garder secret et que le Conseil d’Etat lui a ordonné de communiquer à Raymond Avrillier après une longue procédure administrative de 4 ans.

La justice a également obligé la ministre de la transition à communiquer à Raymond Avrillier, après cinq ans d’actions, un nouveau rapport secret de 2013 sur l’économie des concessions avec les sociétés autoroutières.

Des journalistes de Marianne (article « Scandale des autoroutes : la preuve d’un Etat sous emprise », édition du 10 février 2022) et du Canard Enchaîné (article « Etat incompétent, autoroutiers contents », édition du 16 février 2022), ont résumé ce que révèle ce rapport secret de l’Inspection Générale des Finances.

La sur-rémunération des sociétés autoroutières est estimée à 4 milliards d’euros suite à l’arnaque couverte par les services de l’Etat. 4 milliards pour 3,2 milliards d’euros de travaux. Autrement dit, les sociétés n’avaient pas besoin des augmentations des tarifs fixées dans l’accord secret de 2015. Merci Macron.

Macron le négociateur a décidé de cacher la réalité de la faiblesse des apports en fonds propres des sociétés autoroutières en falsifiant les données qu’il suffisait de contrôler : le calcul des tarifs des usagers du service public des autoroutes a été basé sur la donnée fausse que les sociétés autoroutières apportaient en fonds propres 50% des montants des travaux imputés à un taux moyen de 10%, et n’empruntaient que 50 % de ces montants de travaux à un taux de 3%. Le rapport secret obtenu par Raymond Avrillier révèle que les services de l’Etat ont été interdits de mettre en cause cette répartition. Or, c’est le fondement de l’arnaque, car dans la réalité les sociétés autoroutières empruntent 90 % de leurs charges à 3% (et même à 1%). L’augmentation des péages a simplement servi à des surprofits et aux dividendes des actionnaires.

Les hebdomadaires ont mis en cause « l’Etat » alors que ce sont les gouvernements qui sont en cause, et même des membres du gouvernement et des services de l’Etat agents du privé.

Voici quelques extraits de l’article d’Emmanuel Lévy dans Marianne :

« Concrètement : le document met au jour l’invraisemblable mécanique du Plan de relance autoroutier (PRA) de 2015, par lequel l’État accorde aux concessionnaires une rallonge de trois ans des contrats contre un investissement de 3,2 milliards d’euros de travaux. Une rallonge de concession faite par les pouvoirs publics en échange d’une amélioration du réseau autoroutier. Un grand classique. Oui, mais à regarder de plus près les deals et leurs conditions, l’État et les usagers apparaissent comme les dindons de la farce : hypothèses farfelues permettant la surrémunération des concessionnaires d’autoroutes, choix contestables des hauts fonctionnaires du ministère des Transports, travaux surfacturés, réflexions menées dans l’urgence…

Drôle d’hypothèse

Intitulé « Validation des hypothèses sous-jacentes du plan autoroutier », il est signé par Jean-Michel Charpin, de l’Inspection générale des finances, et Patrice Parisé, du Conseil général de l’environnement et du développement durable, deux des plus puissantes administrations de contrôle interne de l’État. Et donc, en application de la lettre de mission signée conjointement par trois ministres – Pierre Moscovici, Bernard Cazeneuve et Frédéric Cuvillier – le 13 mai 2013, les deux hauts fonctionnaires ont effectivement validé les hypothèses bancales. La validation est express : un mois de délai est imposé… S’ils n’ont pas souhaité nous répondre, les deux hommes, pas complètement dupes, ont glissé une bombe à retardement dans leur rapport. « L’analyse menée par la direction des infrastructures de transports [DIT] l’a conduite à prendre comme hypothèse centrale un taux de dette de 50 % […]. Elle considère que le taux de 50 % est proche des taux effectifs des sociétés concessionnaires qu’elle évalue en 2011 sur la base d’une étude de Natixis. »

Autrement dit, la DIT, l’administration chargée du contrôle des contrats de concession au ministère des Transports, se défausse sur une « étude » de Natixis, un établissement financier filiale de la BPCE. En toute logique, la DIT, comme tutelle de suivi des contrats, dispose du vrai chiffre (articles 35 et suivants des cahiers des charges) et ne saurait se fonder sur celui d’une banque, sérieuse au demeurant. Certes, comme le montre l’organigramme de l’époque, la sous-direction ne dispose que de cinq personnes pour piloter ces contrats devenus des « monstres », mais, vu les enjeux, elle ne saurait s’en remettre à une étude. En s’y référant, les fonctionnaires en place commettent ainsi une étrange « erreur » d’appréciation, qui s’écarte largement des standards du secteur des autoroutes, structurellement endetté : la part des emprunts dans le financement est de l’ordre non pas de 50 %, mais de 80 %, voire de 90 % ! Là repose toute l’astuce des rois du BTP. Oui, à la différence d’un patron de PME en quête d’argent auprès de son banquier, eux vont minorer leur endettement. Pourquoi ? Leur activité rapporte autour de 8 % et leur accès aux crédits leur coûte autour de 3 %. Résultat, plus ils s’endettent, plus ils gagnent. Dans leur sabir, ils parlent d’« effet de levier ». Mais attention, quand il s’agit de négocier avec l’État, mieux vaut ne pas afficher des ratios de profits potentiels en taille XXL mais se montrer presque malingre. Comme toujours en finance, une variable capitale aux abords très techniques peut changer tout le modèle : minorer la dette fait passer la rémunération théorique des concessionnaires de 4 % à près de 8 %…

À ces fameux 4 milliards de sur-rémunération il faut ajouter 700 millions de travaux non réalisés. La ruse porte sur les prévisions des autoroutiers. Tout l’intérêt (pour eux !) consiste à surestimer le coût des travaux exigés par l’État. Et, inversement, à sous-estimer leurs recettes futures. Pour cela, il faut jouer sur les paramètres : des hypothèses de taux d’inflation réduites, des estimations de trafic déprimées et des frais de travaux publics gonflés à bloc. Dans son rapport de 2020, l’ART dresse un bilan des travaux promis par les sociétés d’autoroutes : sur les 3,2 milliards initialement prévus, près de 700 millions d’euros n’ont finalement pas été dépensés par les concessionnaires ! »

Extrait du Canard Enchaîné :« Selon un rapport secret de l’Inspection générale des finances daté de juin 2013, obtenu après cinq ans de démarches par Raymond Avrillier, les services des ministres de l’Economie et de l’Environnement – à l’époque Emmanuel Macron et Ségolène Royal – ont accordé aux autoroutiers, lors de cette négociation, une martingale gagnante qui leur garantit des années de surprofits. »

Mots-clefs : , , ,

Le commentaires sont fermés.