La crédibilité de l’expertise scientifique à l’Anses

Publié le 24 mars 2023

Au moment où le gouvernement veut mettre en cause l’indépendance de l’expertise scientifique de l’IRSN, (faisant fi de la résistance des député-es) concernant les questions liées à la sûreté et la sécurité des installations nucléaires, l’Agence de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), s’interroge sur la crédibilité de son expertise scientifique car elle a souvent été critiquée notamment sur les pesticides.

Le Conseil scientifique de l’Anses a rendu un avis relatif au rapport du groupe de travail « Crédibilité de l’expertise scientifique ».

Au cours des dernières années, parmi les centaines d’avis rendus par l’Anses, quelques-uns ayant notamment trait à des produits réglementés ont suscité controverses et polémiques. Dans ce contexte, le Conseil scientifique de l’Agence a mandaté un groupe de travail (GT) pour analyser la situation et formuler des recommandations visant à renforcer la crédibilité des expertises de l’Agence.

« Le GT a abordé la question de la crédibilité de l’expertise, c’est-à-dire du degré de confiance dont elle bénéficie, à partir d’une approche de retour d’expérience sur trois études de cas ayant fait l’objet de controverses à des degrés divers (glyphosate, SDHI, néonicotinoïdes) et de l’examen des facteurs qui déterminent la crédibilité de l’expertise par une analyse de la littérature et par une trentaine d’auditions. Les données ont été examinées selon quatre axes : le décalage entre les connaissances scientifiques disponibles et celles utilisées pour les trois expertises, les procédures, le décalage entre les conclusions de l’expertise et les attentes des parties prenantes et enfin, l’impact socio-économique de la mise en œuvre des mesures de gestion des risques…

Principaux résultats :  l’expertise scientifique au cœur de trois grandes tensions.

Les résultats de ce travail éclairent trois grandes tensions touchant l’expertise scientifique de manière générale.

L’expertise scientifique est soumise à une première tension : d’une part, la nécessité de prendre en compte les connaissances scientifiques les plus avancées et, en même temps, la nécessité de s’appuyer sur des règles claires et partagées par l’ensemble des acteurs concernés, de façon à réaliser une évaluation des risques transparente, robuste et reproductible. Il peut en résulter un décalage entre connaissances scientifiques et résultats de l’expertise, source de controverses publiques.

La deuxième tension renvoie d’un côté, à l’urgence de rendre certains avis et, de l’autre, au temps nécessaire pour effectuer une expertise scientifique de qualité. L’urgence peut conduire à adapter aux contraintes temporelles les règles usuelles et codifiées de l’expertise collective 2 (pluralité, capacité d’analyse de l’ensemble des données disponibles, temps pour le travail collectif …). Leurs résultats peuvent être fragiles et de ce fait, faire l’objet de contestations.

Une troisième tension traverse l’expertise. Elle induit d’une part la nécessité de séparer l’évaluation et la gestion des risques et, d’autre part, la nécessité de mettre en perspective les résultats de l’évaluation au regard de la faisabilité des mesures de gestion. Cette tension est particulièrement forte dans des situations d’incertitude, où, en application du principe de précaution, il convient de qualifier l’incertitude et le niveau de risque, et de mettre en œuvre des mesures proportionnées. Ceci exige notamment de connaître les impacts socio-économiques des mesures et les alternatives possibles. Un manque de lisibilité des modalités de séparation de l’évaluation et de la gestion et un manque de transparence quant à la traduction des avis en mesures de gestion contribuent à l’érosion de la crédibilité de l’expertise…

Recommandations

Concernant l’Anses, le Conseil scientifique souligne que les enjeux procéduraux font déjà l’objet d’une attention et d’efforts constants de l’agence (collectifs d’experts réunissant des scientifiques choisis pour leurs compétences, sous condition d’indépendance dans le secteur d’activité considéré). Il en est de même concernant les relations avec la recherche (capacités de recherche propres, financement de programmes soutenant des études destinées à combler des déficits de connaissances, coordination du Partenariat européen pour l’évaluation des risques liés aux substances chimiques (PARC)). Au niveau international, l’agence est très généralement considérée comme l’une des plus avancées sur ces questions. Pour autant, l’Anses est soumise aux tensions de l’expertise.

Les enseignements et recommandations issus des trois études de cas analysées par le GT sont particulièrement adaptés aux situations dans lesquelles il existe de fortes incertitudes et/ou des controverses entre experts.

Soucieux de limiter les risques de mise en cause de l’expertise, le Conseil scientifique formule quatre groupes de recommandations visant à améliorer les procédures, à mieux éclairer le processus de décision, à intensifier les interactions avec les parties prenantes et à renforcer la séparation de l’évaluation et de la gestion des risques au sein de l’Anses »

AVIS et RAPPORT du groupe de travail du Conseil scientifique de l’Anses : La crédibilité de l’expertise scientifique : Enjeux et recommandations

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