Polluants émergents dans l’eau potable : attention aux pesticides et résidus d’explosifs

Publié le 14 avril 2023

Le laboratoire d’hydrologie de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) mène régulièrement des campagnes pour mesurer, dans l’eau destinée à la consommation humaine, la présence de composés chimiques qui n’est pas ou trop peu recherchée lors des contrôles réguliers. Les données de la dernière campagne viennent d’être publiées. L’analyse a été menée sur plus de 150 pesticides et métabolites de pesticides, ainsi que d’une cinquantaine de résidus d’explosifs. Dans l’agglomération grenobloise, tout est fait par la régie pour contrôler très régulièrement la qualité des ressources, notamment des deux grands champs de captage (Rochefort et Jouchy-Pré Grivel) qui fournissent 85 % de l’eau aux usagers. Tout est fait pour élargir les contrôles à de nouvelles molécules et surveiller ce qui provient des rejets des industriels dans la Romanche et le Drac (rejets pourtant interdits par l’arrêté de DUP de 1967 du captage de Rochefort).

A l’issue de cette campagne, l’Anses demande d’élargir le spectre des composés surveillés dans les eaux destinées à la consommation humaine : « Concernant les métabolites de pesticides, ces travaux devraient permettre de faire évoluer la liste de molécules intégrées dans le cadre du contrôle sanitaire des eaux afin d’en améliorer la pertinence. »

Pour cette campagne de mesures, trois classes de polluants ont été sélectionnées : 157 pesticides et métabolites de pesticides ; 54 résidus d’explosifs ; un solvant : le 1,4-dioxane.

La campagne a permis de collecter plus de 136 000 résultats. Les prélèvements d’eaux brutes et traitées ont été réalisés sur tout le territoire français. L’objectif était d’analyser des points de captage d’eau représentant environ 20 % de l’eau distribuée.

Un cas a particulièrement attiré l’attention des experts : le métabolite du chlorothalonil – métabolite le plus fréquemment retrouvé, dans plus d’un prélèvement sur deux – qui conduit à des dépassements de la limite de qualité (0,1 µg/litre) dans plus d’un prélèvement sur trois. Ce métabolite est issu de la dégradation dans l’environnement du chlorothalonil, un fongicide pourtant interdit en France depuis 2020. C’est le signe de la persistance dans l’environnement de traces de pesticides même longtemps après la fin de leur utilisation.

Voici la synthèse de l’étude :
« Dans le cadre de son mandat de laboratoire national de référence pour les eaux destinées à la consommation Humaine (EDCH), le Laboratoire d’Hydrologie de Nancy de l’Agence nationale de sécurité sanitaire alimentation-environnement-travail (Anses) a recherché différents composés émergents, au cours de la période 2020-2021, dans les eaux destinées à la consommation humaine.
Ce rapport décrit les résultats obtenus pour 3 classes de composés d’intérêt : des pesticides et métabolites de pesticides, des résidus d’explosifs et le 1,4-dioxane. En collaboration avec les Agences Régionales de Santé (ARS) et la Direction Générale de la Santé (DGS), le LHN a organisé sur l’ensemble des départements métropolitains et d’outre-mer une campagne d’échantillonnage d’eaux brutes et d’eaux traitées représentant environ 20% de la population consommatrice d’EDCH.
Afin de garantir la représentativité de l’étude, environ 300 couples d’échantillons (eau brute / eau traitée) ont été analysés, 2/3 des eaux traitées provenaient d’eaux d’origine souterraine et 1/3 provenaient d’eaux d’origine superficielle. La sélection des sites prenait en compte la plus grosse installation de chaque département, des sites aléatoires et des sites d’intérêt susceptibles de présenter des résultats positifs.
Pour assurer la fiabilité des résultats, Le LHN a développé des méthodes d’analyses en appliquant des référentiels de validation tels que la norme NF T 90-210 ou le guide SANTE/12682/2019 (European Commission 2019) et la très grande majorité des résultats de cette étude sont produits sous couvert de l’accréditation COFRAC.
■ S’agissant des pesticides et métabolites de pesticides : Sur les 157 molécules recherchées (1/3 de substances actives et 2/3 de métabolites), 89 ont été quantifiées au moins une fois. Les fréquences de quantification sont assez semblables entre eaux brutes / eaux traitées et entre eaux souterraines / eaux superficielles. Les métabolites sont plus fréquemment quantifiés que les substances actives correspondantes. En particulier les métabolites chlorothalonil R471811 et métolachlore ESA sont les molécules les plus fréquemment quantifiées avec plus de 50 % de quantification en eaux traitées. Aucun dépassement de Valeurs sanitaires maximales (Vmax) n’a été observé lors de cette campagne
■ S’agissant des résidus d’explosifs : Parmi les 54 molécules recherchées, 18 ont été quantifiées au moins une fois. Une quantification a été relevée dans moins de 10 % des échantillons. Ces quantifications concernent principalement des points d’intérêt (sélectionnés par les ARS en raison de leur vulnérabilité) d’origine souterraine, avec une concentration maximale observée de 0,85 μg/L pour le RDX. Les molécules quantifiées sont principalement :
o Des métabolites du TNT, 2,4-DNT et 2,6-DNT pour les régions du Nord et de l’Est de la France en lien avec la première guerre mondiale présentant une bonne corrélation avec les teneurs en ions perchlorate ;
o Des molécules d’utilisation plus récente telles que le HMX, RDX pouvant concerner des usages industriels (carrières, mines) ou militaires ;
o Des molécules d’origine industrialo-militaire telles que le 1-Nitronaphtalène (poudrerie) ;
o Des molécules d’origine industrielle autre : DPA et 2-Nitrophénol.
■ S’agissant du 1,4-dioxane : Cette campagne met en évidence une occurrence modérée dans les ressources en eau avec 8% des captages investigués présentant des résultats au-dessus de la limite de quantification (0,15 μg/L). Cette contamination touche autant les ressources d’origine superficielle que celles d’origine souterraine. Les résultats tendent à confirmer l’origine industrielle de ce composé dans les eaux avec 63 % des échantillons positifs en lien avec des rejets industriels. Très mobile dans l’environnement et peu biodégradable, les fréquences de quantification de cette molécule dans l’eau traitée sont semblables à celles de l’eau brute. La concentration maximale observée en eau brute est de 2,85 μg/L et de 2,4 μg/L en eau traitée. De nouveaux échantillonnages réalisés sur les sites présentant les concentrations les plus élevées confirment généralement les teneurs observées lors des premières analyses. »

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