A l’occasion du débat sur le Rapport d’orientation budgétaire du CCAS de Grenoble, le point a été fait sur les différentes précarités qui touchent de nombreux ménages grenoblois.
Il y a 27 000 personnes en situation de pauvreté monétaire et la CAF indique qu’il y a eu 1 500 allocataires à bas revenus de plus entre 2015 et 2020, plutôt les personnes isolées, les familles monoparentales et les moins de 30 ans. Le taux de chômage est élevé (presque 15 % au sens de l’Insee) et la part d’emplois précaires atteint 23% nettement au-dessus de la moyenne nationale de 15%. Rappelons qu’il y a quatre Quartiers Politique de la Ville (QPV) à Grenoble qui regroupent plus de 23 000 habitants, donc la grande majorité de ces populations.
Ces données montrent que notre système de solidarité n’est pas adapté aux situations sociales les plus dégradées. Le CCAS va élargir ses aides aux ménages les plus en difficulté, va renforcer les mesures de lutte contre la précarité énergétique et s’impliquer encore plus fortement dans les situations de détresse à la rue.
« A l’image de toutes les villes métropolitaines, Grenoble accueille aussi bien des ménages aisés que des ménages en situation de précarité. La commune présente d’ailleurs de fortes inégalités de revenus : les 10 % des ménages les plus riches gagnent près de 4 fois plus que les 10 % des ménages les plus pauvres, soit l’écart le plus élevé du territoire métropolitain.
Malgré un niveau de vie élevé, la population grenobloise présente des poches de précarité : 27 000 personnes sont en situation de pauvreté monétaire, soit un taux de pauvreté de près de 20 % (contre moins de 15 % à l’échelle métropolitaine).
La population à bas revenu progresse ces dernières années : la CAF dénombre 1 500 allocataires à bas revenus supplémentaires entre 2015 et 2020, soit une augmentation de + 10 %. Cette augmentation concerne plus particulièrement les personnes isolées, les familles monoparentales et les moins de 30 ans. La tendance devrait se poursuivre ces prochaines années compte tenu du contexte macro-économique actuel et à venir.
La précarité vis-à-vis de l’emploi est également plus importante à Grenoble qu’à l’échelle de la France métropolitaine ; le taux de chômage (au sens de l’Insee) atteint près de 15 % (contre 13 % en France ou à l’échelle du territoire métropolitain), et la part d’emplois précaires est plus élevée (23 %, contre 15 % en France). Néanmoins, ce taux est plus faible que dans d’autres grandes-ville de comparaison (Saint-Etienne ou encore Clermont-Ferrand).
A Grenoble, une surreprésentation de familles avec enfant(s) en situation de précarité monétaire
Les familles avec enfant(s) sont davantage exposées à la pauvreté que l’ensemble des ménages ; d’ailleurs, à Grenoble comme ailleurs, le niveau de revenu des couples avecenfant(s) (1 803€) et des familles monoparentales (1 363€) est inférieur à celui des ménagesseuls ou sans enfant.
Grenoble accueille davantage de familles précaires qu’à l’échelle nationale ; en effet, 25 % des couples allocataires avec enfant(s) vivent sous le seuil de bas revenus (soit 1 105 € par unité de consommation en 2020), contre 17 % à l’échelle nationale. Cette part s’élève à 58 % chez les familles monoparentales grenobloises (contre 53 % à l’échelle nationale), davantage exposées à la pauvreté que l’ensemble des ménages. Elles sont surreprésentées à Grenoble et concernent 38 % de l’ensemble des familles avec enfant(s), contre 30 % à l’échelle nationale.
Ainsi, plus d’un enfant grenoblois sur trois (36 %) vit dans une famille qui se situe sous le seuil de bas revenus (contre 21 % en Isère, et 27 % en France). Elle dépasse 50 % dans lesSecteurs 5 et 6 et atteint jusqu’à plus de 80 % dans les quartiers Politique de la ville duterritoire communal.
La fragilité économique et sociale des séniors grenoblois
Si le taux de pauvreté des personnes âgées est moindre que celui de l’ensemble des ménages, il est plus important à Grenoble qu’en France métropolitaine chez les 60-74 ans (14 %, contre 10 % en France) et dans une moindre mesure chez 75 ans et plus (11 % contre 10 % en France).
La pauvreté en condition de vie peut se mesurer par le taux de personnes âgées de 80 ans et plus vivant seules : c’est le cas pour 70 % des ménages grenoblois de cette tranche d’âge,contre 62 % à l’échelle de la France métropolitaine. Cet indicateur permet d’apprécier« l’isolement » des personnes âgées, considéré comme l’un des facteurs de perted’autonomie.
Les « invisibles » de la statistique : la grande pauvreté à Grenoble
Les données traditionnelles ne prennent pas en compte les populations les plus pauvres qui demeurent invisibles des systèmes d’information statistique (personnes vivant à la rue,en bidonville ou squat, personnes étrangères non régularisées…).
La domiciliation permet d’approcher une partie de ces « invisibles » : le nombre de boites aux lettres actives au CCAS de la Ville de Grenoble augmente tous les ans.
En 2022, ce sont environ 2 900 personnes sans domicile stable (hors demandeurs d’asile), ainsi que 900 mineurs (« ayants droits »), qui ont bénéficié du dispositif pour engager des démarches d’accès aux droits auprès des administrations et services public.
De la pandémie à l’inflation : une accentuation des phénomènes de précarité à venir
Peut-on mesurer les effets des crises successives ?
Des premiers chiffres consolidés, notamment collectés via des enquêtes nationales, ont permis de mesurer les effets de la pandémie en 2020 et 2021 (augmentation du taux de chômage, dégradation de la santé mentale, etc.). Cependant, les effets sociaux sont encore difficiles à objectiver : soit parce que les données disponibles ne sont pas recueillies de façon systématique, soit parce qu’une large partie des phénomènes de précarité restent invisibles des statistiques. En outre, les « effets » de la crise sanitaire sont-ils encore observable en 2023 ? La guerre en Ukraine et l’inflation macro-économique actuelle viennent s’ajouter à la crise sociale déjà en cours. Aussi, pour mesurer les effets de ce contexte social et économique inédit, il faudrait regarder l’ensemble des champs de la société (emploi, santé, …) selon les différentes caractéristiques des populations (âge, situation sociale et économique, conditions de vie, …). L’exercice est donc difficile. Quelques effets peuvent d’ores et déjà être présagés.
Parce que les dépenses de transport, de logement et d’alimentation présentent une part plus importante dans le budget des ménages les plus modestes, ces derniers subissent plus fortement l’inflation. S’ils reçoivent des montants d’aides plus élevés, ils restent les plus touchés en proportion de leurs revenus, avec une perte moyenne de revenu disponible de près de -2 % pour les 30 % les plus pauvres, contre -1 % pour les 30 % les plus aisés1. Ainsi, les ménages sont particulièrement touchés sur deux postes de dépenses : l’énergie et l’alimentation.
L’alimentation et les charges de logement liées à l’énergie sont deux postes de dépenses intéressants à observer : en plus de refléter un indicateur de précarité compte tenu de la part qu’ils occupent dans un budget, ils constituent, entre autres, les principales dépenses sur lesquels les ménages, y compris les plus contraints financièrement, peuvent agir (choisir de moins se chauffer par exemple). Ces choix (contraints) accentuent alors la précarité subie.
Ces précarités sont néanmoins difficiles à mesurer.
1 Insee Analyses, décembre 2022
Le diagnostic social de la métropole grenobloise révèle que 23 000 ménages sont en situation de précarité énergétique au regard de leur logement en 2020 (d’après l’ONPE2) ; ils représentent 11 % des ménages de la Métropole. Les données présentées tiennent compte des conditions de logement (type de chauffage, taille des logements et ancienneté du bâti) ainsi que des niveaux de revenus des ménages, afin d’estimer le ratio entre les dépenses énergétiques du ménage et ses ressources financières. La proportion de ménages dans cette situation devrait augmenter ces prochaines années compte tenu de l’inflation et son impact sur le budget des ménages.
Aussi, le diagnostic note depuis la pandémie d’une hausse de la diversité du recours du public bénéficiaire de l’aide alimentaire : les associations qui organisent des distributions alimentaires et des accueils de jour ont souligné lors de l’enquête des évolutions importantes dans les profils de publics accueillis : davantage de familles avec enfants mais aussi des jeunes, en couples ou isolés.
2 Observatoire national de la précarité énergétique… »