Encore un scandale concernant la privatisation des autoroutes

Publié le 7 juillet 2023

Les contrats de délégation entre l’Etat et les sociétés autoroutières prévoient de donner à ces sociétés les terrains qui ont été expropriés au moment de la construction des autoroutes, et qui étaient donc la propriété de l’Etat mais n’avaient pas de valeur étant en bord d’autoroute. Mais depuis le développement du photovoltaïque, ils prennent beaucoup de valeur. Ce sont les délaissés de voirie dont le magazine Marianne a fait une analyse très pertinente attirant l’attention sur ce qui devient un scandale puisque ces dons gratuits de propriété permettent aux sociétés autoroutières de réaliser des profits importants grâce à la production d’électricité.

L’article de Marianne intitulé « Fermes solaires : comment les concessionnaires s’emparent des terres qui bordent les autoroutes » explique que grâce à une vieille directive ministérielle, les autoroutiers font main basse sur le foncier de l’État qui borde les 9 300 km d’autoroutes concédés pour y installer des fermes solaires dont les revenus échappent aux communes avoisinantes sans pour autant compenser la hausse des péages.

Mais ces cadeaux sont-ils légaux ? Le cabinet d’avocats Landot fait une analyse intéressante à ce sujet et penche plutôt pour leur illégalité.

« L’administration peut-elle se fonder en pratique sur un texte ancien non publié dans les conditions imposées par le CRPA (Code des relations entre le public et l’administration) ? Oui non sans quelques limites (Conseil d’État, 1er mars 2023, n° 446826,  aux tables du recueil Lebon)… mais le problème n’est pas là car de toute manière cette directive (au sens de cette expression en droit national dans les années 60 à 80 ou 90, donc) ne fait que reprendre ce qui est dans les contrats et les décrets les approuvant.

Mais justement ce qui est dans ces contrats et ces décrets est-il légal ?

Et c’est là que le doute s’instille. Car cela ressemble bel et bien à un cadeau. Et, même inséré dans un contrat, même à côté d’échanges d’obligation dûment valorisé, un cadeau peut être illégal au sein d’une convention. Car à la base :

  • sauf justification précise, sauf cadre légal le permettant (subventions par exemple) ou contrepartie d’intérêt général (via divers cadres juridiques précis), une personne morale de droit public ne peut jamais faire de cadeau.
  • nous sommes là dans la droite ligne du principe selon lequel, dans un contrat (transactions incluses), il n’est pas question pour une personne de payer une somme indue (CE, Sect., 19 mars 1971, Sieur Mergui,  235). Cette règle ne doit pas être sous-estimée, puisque le juge peut la soulever d’office (moyen d’ordre public ; par transposition : CE, Sect., 14 avril 1961, Dame Rastouilrec. 233 ; CE, 10 avril 1970 ; Société médicale d’assurances « Le sou médical »rec. 245).
  • il y a donc par exemple interdiction pour une collectivité publique de céder à vil prix un élément de son patrimoine à une personne poursuivant des fins d’intérêt privé, dans son principe même dans un contrat avec des contreparties d’intérêt général si celles-ci ne sont pas suffisantes  (Conseil d’État, 13 septembre 2021, n° 439653)
  • idem en cas de contrat de location (CE, 28 septembre 2021, n° 431625). »

Péages, superprofits : nos (trop) chères autoroutes. Visionner « Complément d’enquête » du 29 juin 2023.

L’an dernier, Vinci a engrangé 2,2 milliards d’euros grâce à ses péages autoroutiers. C’est la moitié des bénéfices du géant français du BTP. Ces « superprofits » choquent de nombreux automobilistes, car dans le même temps le prix des péages a augmenté de 4,75 % cette année. Autrefois service public, le réseau est désormais partagé entre trois multinationales : Eiffage, Vinci et Abertis. L’Etat a-t-il bradé son patrimoine ? A-t-il si mal négocié les contrats qui le lient aux entreprises concessionnaires ? Privatisation controversée, rapports étouffés, soupçons de conflits d’intérêts. Complément d’Enquête sur un dossier explosif qui empoisonne tous les gouvernements ou presque depuis près de 20 ans. A 44 minutes, Raymond Avrillier rappelle comment il a obtenu le protocole d’accord entre le gouvernement et les sociétés autoroutières de 2015 que Macron voulait garder secret.

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