Le « mensonge » du gouvernement pour freiner la sortie des pesticides

Publié le 10 mai 2024

La nouvelle stratégie gouvernementale Écophyto 2030 est publiée.

Le journal Le Monde du 3 mai 2024 titrait « Pesticides : le gouvernement entérine le choix d’un indicateur jugé trompeur dans le nouveau plan Ecophyto 2030 »

Le plan gouvernemental supprime l’indicateur d’usage des produits phytosanitaires, le Nodu et le remplace par un outil de mesure contesté, notamment par un travail scientifique qui vient d’être publié. Une vingtaine de chercheurs et d’ingénieurs des universités et des organismes publics de recherche – dont une majorité de membres du conseil scientifique du plan Ecophyto – montrent que le nouvel indicateur adopté HRI-1 est un trompe-l’œil. Non seulement, écrivent-ils, le nouvel indice « n’est pas supposé quantifier strictement l’usage des produits de protection des plantes et refléter de manière adéquate les changements de leurs usages », mais « il ne reflète pas les risques induits » par ces usages. « Nos résultats suggèrent fortement que HRI1 ne parvient pas à suivre adéquatement les objectifs de la directive sur l’utilisation durable des pesticides.

Nous recommandons donc à la Commission européenne de reconsidérer la conception des indicateurs de risque harmonisés. Les indicateurs de suivi du Plan national d’action aux niveaux national et européen devraient englober trois caractéristiques principales. Premièrement, les indicateurs doivent être fondés sur des preuves scientifiques et techniques solides. Deuxièmement, ils devraient tenir compte des profils de toxicité et d’écotoxicité des produits phytopharmaceutiques. Enfin, ils devraient être calculables pour chaque État membre et permettre des comparaisons en valeurs absolues entre les États membres afin de tenir compte des objectifs de « réduction des risques ou des usages » déjà atteints avant l’application de la présente directive. »

Le média Reporterre dénonce un mensonge de l’Etat : « Un indicateur contesté, des alternatives sans obligation de résultat… Le nouveau plan de réduction des pesticides du gouvernement vient « donner satisfaction » à la FNSEA, dénoncent des écologistes. Un retour en arrière « de quinze ans ». C’est ainsi que l’association de lutte contre les pesticides Générations futures décrit le nouveau plan Écophyto du gouvernement…

Un nouvel indicateur contesté :

Le ministre de l’Agriculture défend une ambition intacte, avec toujours le même objectif de réduction, d’ici 2030, de 50 % de l’usage des pesticides par rapport à la moyenne des années 2011-2013. Un « mensonge » pour Générations futures, puisque la façon de mesurer ce résultat va changer. Le plan confirme que l’indicateur de référence sera désormais celui utilisé au niveau européen, le HRI1, et plus celui qui était utilisé depuis les débuts d’Écophyto il y a quinze ans, le Nodu (nombre de doses unité). Un choix qui correspond effectivement à une demande de la FNSEA et du lobby des pesticides Phyteis.

Le HRI1 pondère l’usage des pesticides par leur dangerosité. Cela permettra d’avoir un indicateur harmonisé avec nos voisins européens et de « prioriser les molécules les plus dangereuses », défend le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, dans Le Parisien.

Cette pondération par la dangerosité est mal faite, contestent les associations écologistes et les experts du comité scientifique et technique du plan Écophyto. François Veillerette défendait le Nodu dans Reporterre : « Il cherche clairement à évaluer l’évolution de l’usage, donc de la dépendance du système agricole aux pesticides. S’il n’y a pas de baisse du Nodu, il n’y a pas de baisse de la dépendance. » Alors que le plan Écophyto n’a jamais réussi à atteindre ses objectifs, le changement d’indicateur va permettre d’afficher des résultats beaucoup plus encourageants. Générations futures a ainsi calculé que le HRI1 mesure une baisse de l’usage des pesticides de 32 % entre 2011 et 2021. Alors que le Nodu constate sur la même période une hausse de 3 %…

Pas de transparence sur l’usage des pesticides :

Le nouveau plan confirme également que le « conseil stratégique » délivré aux agriculteurs pour les aider à faire évoluer leurs pratiques et utiliser moins de pesticides est suspendu. Une nouvelle mouture est attendue pour 2025. Sa suppression avait été demandée par la FNSEA et confirmée par Gabriel Attal début mars. « Refuser ce type de conseils, c’est comme refuser la formation continue quand on est médecin », commente François Veillerette.

L’écologiste dénonce également un recul sur la centralisation des données concernant l’usage des pesticides. Chaque agriculteur doit tenir un registre d’épandage des pesticides. « L’idée d’Élisabeth Borne était de centraliser ces données via une interface simple pour les agriculteurs, et de les mettre à disposition des chercheurs et du public », se rappelle François Veillerette. Il n’en est plus question désormais.

Enfin, le plan représentera peut-être, après « étude de faisabilité », une avancée pour les riverains ou autres personnes exposés de manière « répétée et prolongée » aux pesticides. Il prévoit « la possibilité de mettre en œuvre et de financer un dispositif d’indemnisation » pour ceux qui développeraient une maladie liée aux pesticides.

Pas assez pour compenser le reste. « Le gouvernement de Gabriel Attal a fait des choix : celui d’enterrer le projet de réduire fortement la consommation de pesticides en France, celui de tout faire pour retarder le plus possible le retrait de certains pesticides dangereux, etc. », dénonce Générations futures. Alors que la France était vue en Europe comme précurseure dans la lutte contre les pesticides, « elle rejoint les pays qui mettent tout en œuvre pour que rien ne change », poursuit l’association… »

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