L’association Vivre Ici Vallée du Rhône Environnement qui a obtenu l’annulation du projet de la ZAC Inspira signale que la lecture du dernier avis (le 5ème !) délivré par l’Autorité environnementale (Ae) en date du 25/04/2024 est très instructive. « Elle nous apprend, notamment, que « le projet n’affiche pas d’effort de limitation de l’artificialisation, ne serait-ce qu’au travers des cahiers des charges imposées aux entreprises. Pour l’Ae, outre que le Sraddet n’est pas encore adopté, la limitation de l’artificialisation doit être systématiquement recherchée, au-delà du seul objectif de respecter les limites réglementaires »
Rappelons que sur ce dossier la commission d’enquête, présidée par Gabriel Ullmann, avait unanimement émis un avis défavorable en juillet 2018. Sur la sollicitation du président du département, président d’Inspira, le préfet de l’Isère avait alors demandé la radiation de M. Ullmann des fonctions de commissaire enquêteur, devenue effective le 6 décembre 2018. Une semaine plus tard, le préfet de l’Isère déclarait l’utilité publique du projet et accordait l’autorisation environnementale d’aménager le site.
Sur la requête de l’association Vivre ici Vallée du Rhône environnement, le tribunal administratif de Grenoble a annulé le 4 mai 2021 l’autorisation environnementale du projet Inspira, au motif que « le projet par son ampleur, les besoins en eau qu’il génère et par l’absence d’éléments sur l’opportunité et l’impact des restrictions prévues par le préfet de l’Isère, n’est pas compatible avec les objectifs et les orientations du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux 2016-2021 du bassin Rhône-Méditerranée ».
Suite à ces annulations, la SPL Isère aménagement a fait appel. La cour administrative d’appel de Lyon a confirmé l’annulation de l’autorisation unique, par un arrêt en date du 24 janvier 2024. La cour confirme en tous points le jugement du tribunal administratif de Grenoble, à savoir d’une part que l’arrêté du 19 décembre 2018 n’était pas de nature à répondre à l’ensemble des besoins en eau des nouvelles entreprises qui viendront s’implanter sur la ZAC, après avoir rappelé l’ampleur du projet et les nouveaux besoins en eau qu’il génère, évalués à 80 000 m3 /jour. D’autre part, outre l’insuffisance d’étude des effets des mesures prescrites pour l’implantation des entreprises et de l’incidence des prélèvements, le projet, compte tenu de son ampleur et de sa situation, n’était pas compatible avec les règles de non-dégradation des milieux aquatiques et avec la prise en compte de la disponibilité de la ressource en eau.
La cour, tout comme le tribunal, confirme même que la situation est telle, que, quelles que soient les nouvelles dispositions proposées par le préfet de l’Isère, elle ne pouvait pas être régularisée.
Voici la synthèse de ce 5ème avis de l’Autorité environnementale :
« Le syndicat mixte de la zone industrialo-portuaire de Salaise-Sablons, porte, avec la Compagnie nationale du Rhône (CNR), le projet de zone d’aménagement concerté (Zac) dénommée « Inspira », sur les communes de Salaise-sur-Sanne et Sablons, dans l’Isère (38).
Cette Zac est prévue en extension d’une zone d’activité existante, sur une superficie de 336 ha. Elle est localisée au sud de la « plateforme chimique de Roussillon (Osiris) », en bordure du canal de dérivation du Rhône et à l’ouest de la ligne Paris-Lyon-Marseille (PLM). La maîtrise d’ouvrage des aménagements est assurée par « Isère Aménagement », celle des opérations industrielles est assurée respectivement par les sociétés Floor to Floor, Cottard Glénat et Hympulsion et celle de l’extension ferroviaire par la CNR.
Quatre avis d’autorité environnementale ont antérieurement été émis sur la Zac ou ses opérations 1. L’étude d’impact mise à jour est présentée à l’appui des demandes d’autorisations environnementales pour l’aménagement du secteur nord de la Zac, la précédente autorisation ayant été définitivement annulée par la cour administrative d’appel de Lyon, pour l’installation classée pour la protection de l’environnement Floor to Floor, ainsi que pour le dossier d’exécution de l’extension ferroviaire et le projet Hympulsion.
Pour l’Ae, les principaux enjeux environnementaux du projet sont la préservation de la continuité écologique assurée par la Sanne, la préservation des sites Natura 2000, des habitats naturels, et des nombreuses espèces protégées présentes, la vulnérabilité du projet aux inondations, la vulnérabilité des eaux souterraines et de surface, en particulier aux prélèvements d’ores et déjà excessifs, la réduction de la pollution de l’air et des émissions de gaz à effet de serre.
Le projet a évolué pour tenir compte de l’annulation de l’autorisation précédente. II répond aussi à certaines recommandations antérieures des autorités environnementales. Le phasage est revu en commençant les aménagements par la partie nord de la zone, considérée comme une « dent creuse », entourée d’entreprises et, surtout, hors des zones centrale et sud soumises aux risques d’inondations par la Sanne. Celle-ci sera renaturée dès la phase 1 afin d’augmenter la capacité d’expansion des crues de part et d’autre de son lit actuel. Le dossier est complété sur de nombreux volets. Il tient désormais compte du projet de territoire pour la gestion de l’eau et restreint fortement la consommation d’eau par les entreprises nouvelles tout en invitant les entreprises déjà présentes à la sobriété.
Quoique la multimodalité (route/fleuve/fer) soit au cœur du projet, le dossier ne donne pas une vision précise de la répartition des usages actuels de ces différents modes qui reste théorique et basée sur des données de 2012 et 2015. Par ailleurs, si l’usage du fleuve ou du fer est obligatoire sur certains lots, ce n’est pas le cas du secteur nord et les trafics générés par l’entreprise Floor to Floor sont exclusivement routiers.
L’Ae estime que le niveau d’enjeu retenu par le maître d’ouvrage pour les milieux naturels de l’île de la Platière n’est pas approprié. Elle recommande de renforcer les dispositions du projet de Zac favorables à la lutte contre l’artificialisation des sols, de préciser les responsabilités et engagements des différents maîtres d’ouvrage en matière de compensation des incidences sur les espèces et les milieux naturels, et d’accroître la pérennité des mesures compensatoires. L’ensemble des observations et recommandations de l’Ae est présenté dans l’avis détaillé.
1 Avis préfectoral du 27 septembre 2013, avis MRAe n° 2017-ARA-AP-00482 du 20 février 2018, avis Ae n° 2019-64 du 10 juillet 2019, avis Ae n° 2021-019 du 5 mai 2021. »
Mots-clefs : économie, enquêtes publiques, environnement, justice administrative, Mobilisations, Urbanisme