
Le 15 janvier 2025, la Cour des comptes publie, à la demande de la commission des finances de l’Assemblée nationale un rapport intitulé : « L’évolution de la répartition des impôts locaux entre ménages et entreprises et de la (dé)territorialisation de l’impôt »
Il s’agit d’un bouleversement de la fiscalité locale aux nombreux effets négatifs et au coût très lourd pour les finances publiques. Au moment où l’inquiétude s’accroit sur l’augmentation continue de la dette de l’Etat, la Cour des comptes explique : « Les réformes de la fiscalité locale, auxquelles s’ajoute la suppression de la contribution à l’audiovisuel public en 2023… ont occasionné des pertes considérables de recettes pour l’État. Selon l’estimation de la Cour, le montant total des pertes de recettes pour l’État s’est élevé à 38,5 Md€ en 2023, par comparaison à 2017. Ces pertes de recettes de l’État n’ont pas été compensées par des économies sur les dépenses publiques et ont donc été financées par l’emprunt. Elles ont un effet majeur sur les déficits publics. »
La suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales a eu des effets anti-redistributifs, car elle a davantage profité aux ménages ayant les revenus les plus élevés. Cette légère augmentation du pouvoir d’achat ne semble pas avoir eu des effets sur la consommation des ménages. Et la baisse des impôts de production n’a pas eu l’effet escompté.
Conclusion : cette perte massive des recettes de l’Etat, n’a servi à rien. Encore une fois le macronisme et sa théorie sur le ruissellement et sa politique de l’offre sont un échec patent.
« À la demande de la commission des finances nationales de l’Assemblée nationale, la Cour a examiné l’impact des réformes récentes des impôts locaux sur les contribuables locaux, ménages et entreprises, les collectivités territoriales, ainsi que l’État et les finances publiques prises dans leur ensemble.
Ces réformes ont été mises en œuvre en fonction de finalités extérieures à la fiscalité locale : donner du pouvoir d’achat aux ménages et améliorer la compétitivité des entreprises.
Ces objectifs ont été atteints, mais avec des effets incertains sur l’activité économique.
Ils s’accompagnent d’un coût considérable pour les finances publiques et d’une déterritorialisation des recettes des collectivités.
Une réduction de grande ampleur des impôts locaux entre 2018 et 2023
La taxe d’habitation sur les résidences principales, qui était un impôt injuste fondé sur des bases obsolètes, a été supprimée par étapes entre 2018 et 2023.
Les impôts locaux pesant sur les coûts de production des entreprises ont été réduits. D’une part, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises a été diminuée en 2021 et 2023 à hauteur des trois-quarts au total; en 2023, son produit résiduel a été réaffecté à l’État, dans l’attente d’une suppression complète dont l’horizon s’éloigne. D’autre part, les bases d’imposition des locaux industriels assujettis à la taxe foncière sur les propriétés bâties et à la cotisation foncière des entreprises ont été réduites de moitié en 2021.
En 2023, les contribuables ont acquitté 100 Md€ d’impôts locaux, soit 38 Md€ de moins que ce qu’ils auraient versé si les réformes n’avaient pas eu lieu. Les ménages ont acquitté 54 % des impôts, contre 46 % pour les entreprises. Ces proportions sont stables par rapport à 2017.
Des gains pour les ménages et les entreprises, des effets incertains sur l’activité économique
En moyenne, la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales a accru de 1,1 % le revenu disponible des ménages. Elle a plus bénéficié aux ménages aisés qu’aux autres, ce qui a engendré une redistribution à l’envers. Ses effets sur la consommation des ménages sont incertains (à-coups de la conjoncture économique depuis 2020, moindre propension à consommer des ménages aisés).
La baisse des impôts locaux de production a accru de 2,4 % l’excédent brut d’exploitation des entreprises. Elle a eu un effet conjoncturel favorable en 2021 (100 % de la hausse de l’EBE). Le recul manque pour apprécier son impact sur les investissements des entreprises dans la durée.
Un coût considérable pour les finances publiques
Les pertes de recettes des collectivités ont été compensées par l’État selon des modalités qui leur sont plutôt favorables. Les collectivités ont bénéficié d’un gain financier net en raison du dynamisme en 2021 et 2022 des recettes de TVA qui leur sont attribuées. Depuis lors, ce bénéfice se réduit. Toutefois, les collectivités pourraient bénéficier d’un gain durable : l’évolution des prix et de la consommation en volume ont des effets immédiats sur les recettes de TVA, alors que les assiettes de la THRP et de la CVAE augmentaient avec une année de décalage. En 2023, les réformes ont entraîné 38,5 Md€ de pertes de recettes pour l’État par rapport à 2017 (suppression de la redevance audiovisuelle comprise), soit 25 % du déficit des administrations publiques en 2023 et 50 % de leur augmentation entre 2017 et 2023.
Une déterritorialisation des impôts locaux qui a potentiellement des conséquences négatives
Les communes et intercommunalités ont conservé des pouvoirs fiscaux étendus. La plupart les exercent en augmentant de manière continue les taux des impôts locaux, ce qui accru de 2,9 Md€ la charge des contribuables locaux entre 2017 et 2023. En revanche, la réaffectation aux communes de la part départementale de la taxe foncière sur les propriétés bâties a fait perdre aux départements l’essentiel de leurs pouvoirs fiscaux : tous ou presque appliquaient déjà le taux maximal (de 4,5 %) des droits de mutation à titre onéreux. La réforme n’a pas eu d’impact significatifs sur les pouvoirs fiscaux des régions qui n’en avaient quasiment plus.
Les impôts territorialisés sont devenus minoritaires dans les recettes de fonctionnement des départements (20,1 % en 2023) et des régions (12,1 %). Les entreprises ne contribuent plus au financement des compétences de développement économique des régions, ni de celles des régions et départements en matière de transports (rail, routes), dont elles bénéficient pourtant.
Les impôts territorialisés restent majoritaires dans les recettes de fonctionnement des communes et des intercommunalités (54,1 %). En raison de moindres retombées fiscales, les communes sont toutefois moins incitées à accueillir de nouvelles activités et à construire de nouveaux logements. Les locataires de leur logement ne contribuent plus au financement des services publics dont ils bénéficient. La taxe foncière maintient néanmoins ce lien contributif dans la grande majorité des communes, qui comptent plus de propriétaires que de locataires.
Assurer une équité accrue entre contribuables et entre collectivités
La Cour estime nécessaire d’adapter la fiscalité foncière aux réalités économiques, en intégrant à court terme aux bases de la taxe foncière sur les propriétés bâties les résultats de la révision sexennale des valeurs des locaux professionnels arrêtées en 2017 et en engageant la révision, sans cesse reportée, des valeurs locatives cadastrales des locaux d’habitation datant de 1970.
Sauf exception, les recettes de TVA sont réparties entre collectivités de manière proportionnelle à leurs pertes de recettes fiscales. Cette répartition ignore les écarts de richesse entre collectivités et désavantage celles dont la population croît. Comme elle l’a fait récemment dans un rapport consacré à la DGF, la Cour recommande de répartir les recettes de TVA en fonction de la richesse relative par habitant des collectivités, appréciée selon un petit nombre de critères de ressources et de charges. Ces évolutions devront être simulées et étalées dans le temps. »
Mots-clefs : collectivités, comptes, fiscalité, Impôts, ménages