
Le drame qui s’est déroulé au Village Olympique par une attaque inédite à la grenade, puis la destruction de la bibliothèque Chantal Mauduit, obligent à analyser la situation réelle de l’état de la lutte contre les trafics qui gangrènent notre société et mettent à mal notre démocratie républicaine. Malheureusement le débat public sur le narcotrafic se satisfait de beaucoup trop d’approximations et de caricatures qui parasitent le débat et la réflexion sur l’efficacité des décisions à prendre.
La droite et l’extrême droite jouent sur les réflexes de peur et en appellent à une répression toujours plus musclée, comme si les mouvements de mentons systématiques étaient efficaces, alors que toutes les statistiques indiquent que les consommations de drogues et les comportements addictifs continuent de se développer, preuve de l’inefficacité des politiques mises en avant. A gauche on manque souvent de réflexion et les prises de positions sont inaudibles.
C’est le moment de prendre connaissance du dernier rapport parlementaire sur l’évaluation de l’efficacité de la politique de lutte contre les trafics de stupéfiants, présenté le 17 février qui bat en brèche les positions officielles du gouvernement défendues par Retailleau et Darmanin (voir plus loin)
Il faut vite arrêter les polémiques entre le gouvernement et les communes alors qu’il y a de nombreuses possibilités de coopérations efficaces entre le gouvernement, l’appareil judiciaire et les communes, à condition de respecter les compétences de chacun et faire régulièrement une évaluation des politiques engagées afin de les améliorer ou d’en changer.
Actuellement seul le volet répressif notamment de la revente et de l’usage des produits est priorisé, sans efficacité. Le gouvernement met la pression sur les communes pour qu’elles l’accompagnent, alors que leurs compétences sont autres, notamment sur les victimes des trafiquants qui exploitent des jeunes désœuvrés, la prévention de la délinquance et les questions de santé publique pour repérer, éviter et soigner les addictions.
Une nouvelle circulaire de Retailleau du 12 février propose une nouvelle doctrine d’action des forces de l’ordre à mettre en œuvre dans les villes les plus touchées par le trafic de stupéfiants dont Grenoble, qui dépasse allègrement ce que prévoit la loi, notamment en ce qui concerne les polices municipales. https://www.banquedesterritoires.fr/une-nouvelle-doctrine-daction-des-forces-de-lordre-pour-les-villes-les-plus-touchees-par-la?pk_campaign=newsletter_quotidienne&pk_kwd=2025-02-18&pk_source=Actualit%C3%A9s_Localtis&pk_medium=newsletter_quotidienne
On mesure tous les jours, l’erreur catastrophique de Sarkozy qui a détruit la police de proximité et diminué fortement les effectifs de police nationale. Les opérations coup de poing ne peuvent pas remplacer le travail quotidien de terrain. Il serait souhaitable que le gouvernement revienne à la police de proximité, mais aussi et surtout rejudiciarise la police, avec des personnels qualifiés dans les enquêtes sur les réseaux de trafiquants, une prérogative régalienne car liée au commerce international et au blanchiment.
Nous écrivions le 1er novembre 2024 : « Il faut reconnaitre qu’actuellement les politiques menées contre le narcotrafic sont en échec. La France est en Europe, le pays à la fois le plus répressif et celui où l’augmentation des utilisateurs de drogues illégales est la plus importante. On « écope la mer avec une petite cuillère ». Il y a une erreur profonde de diagnostic et donc de solution. Les politiques qui font semblant d’être capables de lutter contre les narcotrafics à coup de grandes déclarations et de multiplication de la vidéosurveillance, seraient bien avisées de parler moins haut et d’examiner les études sérieuses qui traitent de ce sujet, comme par exemple le récent rapport sénatorial de mai 2024. »
Le 17 février 2025, deux députés (un macroniste et un LFI) ont remis à l’Assemblée Nationale les conclusions de leur rapport de la mission d’information sur l’évaluation de l’efficacité de la politique de lutte contre les trafics de stupéfiants. Ils préconisent une légalisation « à la française » du cannabis, qui permettrait une chute des prix et un contrôle des quantités en circulation, et une forme de dépénalisation de l’usage des autres drogues, assortie de soins préventifs et curatifs. Ils espèrent que le débat puisse être conduit à travers un autre prisme en partant de l’enjeu de santé publique.
Antoine Léaument et Ludovic Mendes formulent 63 recommandations et dressent un constat sans appel : « Le trafic de stupéfiants est devenu un phénomène criminel majeur dans notre pays.« Les parlementaires mettent en avant le rôle des « organisations criminelles qui tiennent les réseaux du trafic« , « défient l’ordre social » et « mettent à l’épreuve la robustesse de nos institutions comme la capacité des politiques publiques à y faire face« …
Antoine Léaument et Ludovic Mendes interrogent « la stratégie répressive« mise en œuvre par les pouvoirs publics pour lutter contre ce phénomène : « Les décennies de mise en œuvre de cette politique publique n’ont pas permis d’endiguer le trafic de stupéfiants. Pire, il ne cesse de s’accentuer. » Les deux députés ajoutent cependant que la part des usagers chaque annéereste stable ces dix dernières années (entre 10,5 % et 11 % de la population).
Face à cet échec, Antoine Léaument et Ludovic Mendes rappellent que le trafic de stupéfiants « repose sur une logique économique basique fondée sur les lois du marché capitaliste » : maîtrise des moyens de production, contrôle du transport, organisation de la vente… C’est cette logique qu’entendent casser les deux rapporteurs en proposant « d’inventer un modèle français de régulation des stupéfiants » en légalisant l’usage, mais aussi la détention de cannabis à des fins personnelles.
Concrètement, cette légalisation reviendrait à fixer un seuil légal de détention de cannabis, qui pourrait être de « 10 grammes d’herbe de cannabis » (proposition de Ludovic Mendes), ou de « 25 grammes » (proposition d’Antoine Léaument) comme en Allemagne. Par ailleurs les deux députés s’accordent, sur l’idée de fixer à quatre plants annuels le seuil maximal pour la culture domestique de cannabis.
Mots-clefs : collectivités, drogues, état, parlement, police, répression