Un projet de loi réduit comme peau de chagrin les propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat

Publié le 15 janvier 2021

Le projet de loi « portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets » est maintenant finalisé. Il devait prendre en compte comme promis par Macron la plupart des propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat, mais les propositions les plus structurantes ont été édulcorées, détricotées voire tout simplement oubliées. Les associations écologistes sont très déçues car il ne s’agit pas d’un véritable outil pour entamer les transitions nécessaires et urgentes vu l’accélération du bouleversement climatique. Le projet doit recevoir des avis obligatoires du Conseil économique, social et environnemental (CESE), du Conseil de transition écologique et du Conseil d’Etat. Il sera présenté en conseil des ministres le 10 février et arrivera en discussion à l’Assemblée nationale fin mars dans le cadre d’une procédure accélérée (une seule lecture par chambre).

Le média Reporterre a fait le 9 janvier une analyse détaillée de ce projet de loi :

« Reporterre s’est procuré le projet de loi tiré des travaux de la Convention citoyenne pour le climat. Propositions édulcorées, oublis, remises à plus tard et dérogations, l’ensemble maquillé par un discours volontariste : les associations écologistes sont épuisées de l’attitude mensongère du gouvernement.

Le projet de loi issu des propositions de la Convention citoyenne pour le climat a été dévoilé vendredi 8 janvier auprès de diverses parties prenantes. À peine diffusé, le texte a suscité la déception des associations écologistes, qui dénoncent, comme les Amis de la Terre, « un sabotage en règle des mesures des citoyens et des citoyennes ». Les propositions les plus structurantes ont été édulcorées, détricotées voire tout simplement oubliées. En filigrane se dessine la vision du gouvernement en matière d’écologie : une focalisation sur les écogestes, l’information des consommateurs et l’engagement volontaire des entreprises.

« L’ambition fixée par l’exécutif — à savoir la réduction de moins de 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 semble complètement irréalisable », dit à Reporterre Anne Bringault, du Réseau Action Climat. D’autant plus que les objectifs fixés par la France et l’Europe pour respecter l’accord de Paris se sont depuis renforcés. Pour limiter les conséquences du réchauffement climatique, notre pays s’est engagé officiellement à baisser ses émissions de 55 % d’ici à 2030. « Avec ce projet de loi, nous en sommes très loin », juge Anne Bringault. L’écologiste espère que le Haut Conseil pour le climat se saisira prochainement du texte pour en mesurer les effets en matière d’émissions de gaz à effet de serre.

Le texte de loi sera présenté le 10 février en Conseil des ministres. Annoncé d’abord pour l’automne, puis attendu en décembre et programmé fin janvier, le projet de loi a finalement encore pris un peu plus de retard. Pour Anne-Laure Sablé, des Amis de la Terre, « si le gouvernement avait respecté sa promesse de transmettre sans filtre les mesures au Parlement, cela aurait pris moins de temps. On aurait pu avoir le projet de loi dès la fin de l’été. Pendant six mois le gouvernement a simplement déconstruit les mesures des citoyens avec l’aide de son administration. Il avait promis une concertation, en réalité, c’était un jeu de dupes qui nous a encore fait perdre du temps face à l’urgence climatique », critique-t-elle.

Sur certains points, on peut légitimement douter de l’utilité du texte de loi. Pour prendre un exemple, l’option végétarienne quotidienne prévue par la Convention citoyenne a été transformée par le gouvernement en une simple expérimentation. Or, l’expérimentation existe déjà. « Montpellier vient de la mettre en place et soixante villes proposent déjà un repas végétarien tous les jours ! rappelle Benoit Granier, responsable alimentation au Réseau Action Climat. L’écrire dans un texte de loi ne sert à rien. C’est juste redondant et cela masque l’inertie du gouvernement. »

Autre aspect étonnant, il n’est fait mention nulle part dans le texte des chèques alimentaires en produits bio, une disposition arrachée en décembre par les citoyens et à laquelle Emmanuel Macron avait pourtant donné son accord. Selon Benoit Granier, « la mesure rencontrerait l’hostilité des services du ministère de la Santé et de l’Agriculture ». Elle aurait donc été décalée.

Mais ce n’est pas la seule. D’autres propositions brillent par leur absence. L’obligation de rénovation thermique des logements a été transformée en un simple audit pour informer les futurs acheteurs en cas de vente. « Quasiment rien n’a été acté sur la publicité, regrette également Khaled Gaiji, membre de Résistance à l’agression publicitaire. Sur les douze mesures pour la régulation de la publicité proposées par les citoyens, une seule est présente dans le projet de loi. Quatre ont été modifiées et fortement assouplies, sept ont disparu. »

Au-delà des propositions structurantes, nombre de propositions annexes de la Convention sont aujourd’hui absentes. Elles assuraient pourtant la cohérence de l’ensemble du projet. Le chapitre sur la biodiversité a été taillé dans le vif. « L’interdiction des coupes rases en forêt a été abandonnée alors qu’elle avait été plébiscitée par les citoyens », remarque ainsi Sylvain Angerand, de l’association Canopée.

Face à ce projet de loi, une lassitude s’est emparée des associations écologistes interrogées par Reporterre. Comme une fatigue devant la réalité alternative dans laquelle est plongée le gouvernement : « Il est de plus en plus décomplexé, dit Anne Laure Sablé. Le décalage entre son discours et ses actes est abyssal, mais il s’en fiche allégrement. »

Pour lire le projet de loi voir ici.

Mots-clefs : , , ,

Le commentaires sont fermés.