Marche blanche à la mémoire de Kevin et Sofiane (Photo Dauphiné Libéré, tous droits réservés)
Les événements dramatiques de la Villeneuve d’Echirolles ne doivent pas être rangés au rayon des faits divers. Après les meurtres de Kevin et Sofiane, le 28 septembre dernier, Claude Jacquier répond aux questions de la ville d’Echirolles.
Avec le recul du temps, quelles analyses faîtes-vous de ce drame et quelles « leçons » en tirez-vous ?
Le drame des Granges sort du modèle explicatif habituel mobilisé par les observateurs : ni bavure policière, ni rixes pour le contrôle d’un territoire de la drogue, ni affrontement entre bandes rivales de territoires voisins, ni crime raciste. Les deux seuls éléments de distinction entre les protagonistes tenaient sans doute au fait que les victimes réussissaient dans leurs études et qu’ils étaient musulmans pratiquants (Kévin fraîchement converti). Il s’agit d’un lynchage d’un « black » et d’un « beur » qui aurait pu aussi viser un «blanc», commis par un groupe de «blacks, blancs, beurs » si on en croit les noms cités par la presse, très représentatifs de la France de la coupe du monde de 1998. Ils avaient 7 ou 8 ans à cette époque, alors en cours préparatoire ou élémentaire du primaire et donc très sensibles à cette représentation d’une France «black, blanc, beur» affichée alors partout, y compris sur l’Arc de Triomphe de l’Etoile avec le «Roi Zizou». Qu’est ce qui a dérapé en 14 ans ? Les comportements de voyous des joueurs de l’équipe de France dans les coupes du monde successives en 2002, en 2006 (coup de boule de Z. Zidane et surtout en 2010 ? Est-ce au contraire le signe d’une intégration victimaire avec de nouveaux boucs émissaires fondateurs de nouveaux rapports de classe ? On peut tout imaginer !
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