Ne pas intégrer l’APL dans le RUA !

Publié le 6 décembre 2019

Voilà encore une fausse bonne idée portée par le gouvernement et le délégué interministériel O. Noblecourt concernant le Revenu Universel d’activité (RUA) : celle d’y intégrer l’aide personnalisée au logement (APL), sous la forme d’un supplément logement. Mais faire cela au moment où les APL sont en train de diminuer suite à la baisse de 5 euros décidées en 2017 et pour les locataires du logement social une diminution supplémentaire en moyenne de 50 € par ménage, est une façon déguisée de diminuer « le pognon de dingue » que coûte la politique sociale. En plus à partir du 1er janvier 2020, les aides au logement seront calculées sur la base des ressources des 12 derniers mois glissants et non plus sur les revenus d’il y a 2 ans.

Les APL ne sont pas de même nature que les autres prestations sociales, puisqu’elles ne correspondent pas à un complément de revenus, mais visent à permettre aux ménages à faible revenu d’accéder à un logement ou de s’y maintenir. Il ne faut donc pas tout mélanger. Il serait urgent de rétablir les APL à un niveau suffisant pour que tous les ménages puissent se loger au moment où les loyers poursuivent une augmentation continue dans certains territoires en tension.

Si cette intégration se fait tout de même, il est indispensable que le « supplément logement » soit versé aux bailleurs sociaux comme cela se fait pour l’APL, sinon il y a un grand risque de voir les impayés de loyers exploser.

Rappelons le jugement de nombreuses associations spécialisées dans la solidarité avec les plus pauvres sur la politique du délégué interministériel qui oublie des pans entiers des plus pauvres en ne focalisant que sur le retour à l’activité qui n’est pas le bon angle d’attaque contrairement au revenu minimum unique de l’Observatoire des inégalités :

« Les associations considèrent tout d’abord qu’une part importante de la population la plus pauvre, celle qui vit des minima sociaux, notamment le RSA et l’ASS sans activité professionnelle régulière a plutôt vu ses conditions de vie se dégrader depuis 2017 avec la baisse des APL et la désindexation de plusieurs prestations de l’inflation (APL, allocations familiales…). Ces ménages qui subissent l’augmentation du coût de la vie (essence, électricité, logement dans les métropoles…) sont dans l’angle mort de la stratégie pauvreté. C’est le cas des 2 millions de ménages allocataires du RSA qui ne bénéficient ni des baisses d’impôts ni de la revalorisation de la prime d’activité. « Il y a bel et bien eu un rattrapage du RSA justifié par des années de gel » comme l’indique le délégué interministériel. Mais c’était sous le quinquennat Hollande ou les associations ont obtenu une revalorisation de 10 % du RSA en plus de l’inflation. Depuis 2017, aucun coup de pouce n’a été accordé à cette partie la plus pauvre de la population. Et que dire de l’impact à venir du durcissement des conditions d’indemnisation du chômage qui va mécaniquement faire basculer dans la pauvreté des centaines de milliers de chômeurs ? En défendant la revalorisation du RSA, les associations « reviendraient sur une lecture ancienne de la lutte contre la pauvreté qui a montré ses limites depuis des décennies » : les personnes qui survivent péniblement au quotidien avec 550 € par mois apprécieront cette nouvelle vision de la modernité.

Les personnes et les familles à la rue ne sont pas non plus dans la cible prioritaire de la stratégie pauvreté.  Contrairement à ce qui est indiqué, le plan d’économie de 57 millions d’€ sur les Centres d’Hébergement et de Réinsertion Sociale (CHRS) n’est pas annulé par la stratégie pauvreté. Les CHRS ont subi en 2018 une première coupe très dure de 20 millions d’€ qui n’a jamais été compensée, obligeant certaines structures à licencier du personnel et à réduire l’accompagnement social et les prestations alimentaires proposés aux personnes sans domicile fixe. En 2019, une nouvelle coupe budgétaire de 12 millions d’€ qui s’ajoute à l’effort demandé en 2018 est imposée au CHRS, compensée cette fois par une enveloppe de 10 millions issue de la stratégie. C’est pourquoi les associations demandent un moratoire immédiat sur ce plan d’économie et un plan de création de places au moment où le nombre de personnes sans-abri, en particulier des familles avec enfants, augmentent de manière inquiétante dans les grandes villes.

Enfin les personnes migrantes, demandeurs d’asile ou exilées, qui constituent pourtant une frange importante des personnes à très faibles ressources et qui subissent des conditions de vie très précaires sont exclues depuis 2018 du périmètre de la stratégie pauvreté. Comme si ces personnes et ces familles – qui comptent parmi les plus pauvres – ne relevaient plus des politiques sociales et de la solidarité nationale mais de mesures d’ordre public. Si on s’inquiète, à juste titre, de la menace d’une restriction de l’Aide Médicale d’Etat pour la santé publique et l’accès aux soins des plus précaires, ce sujet pourtant majeur est jugé « hors du champ direct de la stratégie pauvreté ».

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