Nouveau plan de protection de l’atmosphère : avis négatif de la ville de Grenoble

Publié le 1 avril 2022

Le code de l’environnement, impose dans les grandes agglomérations que le préfet élabore un plan de protection de l’atmosphère (PPA). Dans la région grenobloise c’est le 3ème PPA depuis le premier qui couvrait la période 2007-2011, puis un PPA2 qui couvrait 2014-2018. Le PPA3 sera arrêté pour la période 2022-2027. On voit que cette planification manque sérieusement de rigueur puisqu’il n’y a pas continuité d’un plan à l’autre.

Ce projet, élaboré par les services de l’Etat est actuellement soumis aux avis des conseils municipaux et des 8 EPCI dont la métropole ; si ces avis ne sont pas rendus avant le 26 avril, ils seront réputés positifs. Muni de tous ces avis le préfet mettra le dossier à enquête publique, puis arrêtera ce nouveau plan en fin d’année.

Vendredi 25 mars le conseil de la Métro a donné un avis favorable avec quelques réserves à une majorité assez faible puisque le groupe UMA (37 voix) s’était prononcé pour donner un avis défavorable, en effet ce PPA3 ne se donne pas les moyens pour vraiment faire baisser la pollution au niveau où elle ne serait plus un danger pour la santé des habitants.

Ce projet de PPA a une façade qui parait intéressante mais dès que l’on creuse on s’aperçoit qu’il manque des engagements lourds notamment de l’Etat et du SMMAG pour dépasser les simples discours. En fait ce PPA3 est surtout défensif pour l’Etat, pour essayer d’échapper aux sanctions des justices européenne et nationale qui menacent de s’abattre dans les mois qui viennent.

Les trois mesures les plus efficaces pour réduire les émissions d’oxydes d’azote et de particules fines sont les suivantes, qu’il faut renforcer :

  • La reconversion du parc de chauffages au bois non performant – Prime Air Bois ;
  • Les zones à faibles émissions (ZFE) pour les véhicules particuliers, les véhicules utilitaires légers et les poids lourds et la réduction de la vitesse réglementaire sur tronçons autoroutiers ;
  • L’isolation thermique des bâtiments : programmes MurMur copropriétés, maisons individuelles et logement social.

Les impacts sur la santé du niveau de pollution actuel, d’après Santé publique France (octobre 2021), s’élèvent à presque 300 décès annuels sur le périmètre de la métropole attribuables aux particules fines et 135 attribuables aux oxydes d’azote.

Voici un extrait de la délibération adoptée le 28 mars par le conseil municipal de Grenoble qui donne un avis défavorable de la ville à ce PPA :

« La ville tient tout d’abord à rappeler que l’évaluation du PPA 2, adopté en février 2014 et couvrant la période 2010-2015 a démontré l’insuffisance des actions engagées (cf Annexe 4a – Evaluation qualitative du PPA2). Les actions du PPA2 ont ainsi porté sur seulement 1,9 % de réduction des émissions d’oxydes d’azote en 2018 selon cette évaluation du PPA2. Il est précisé que le PPA2 concernait le périmètre des communes du SCOT de Grenoble (sept EPCI).

Au regard de ce très faible impact du PPA2, il est donc important que le PPA3 puisse proposer des actions plus efficaces et plus ambitieuses pour réduire de manière substantielle la pollution de l’air. Or le PPA3 s’inscrit dans la continuité d’un trop faible impact sur les émissions. Concernant les Nox, les actions du PPA3 ne permettent ainsi l’économie que de 500 tonnes par an des émissions de Nox sur le territoire du PPA3 et de 300 tonnes par an de particules PM2,5 à l’horizon 2027. En 2018, les émissions du territoire PPA étaient de 8 500 tonnes de Nox et 2 000 tonnes de PM2,5 (cf. page 40 et 43, annexe 6a rapport ATMO scénario tendanciel). Le faible impact des mesures du PPA3 est confirmé dans la prospective d’évolution des émissions par polluant des scénarios tendanciels et PPA. On constate ainsi dans le PPA3 que les mesures du PPA3 réduiraient de seulement 3 % supplémentaires les émissions de NOx (2005) à l’horizon 2027 et de 10 % supplémentaires les émissions de PM2,5.

Ce manque d’efficacité implique qu’en 2027, la population du territoire du PPA3 restera très largement exposée à des concentrations de polluants supérieurs aux seuils recommandés par l’Organisation Mondiale de la Santé. La moitié de la population du territoire PPA3 resterait exposée à une concentration de NO2 supérieure à 10 μg/m3, nouvelle valeur moyenne d’exposition recommandée par l’OMS depuis septembre 2021. La totalité de la population resterait en outre exposée à une concentration de PM2.5 supérieure à 5 μg/m3, nouvelle valeur moyenne d’exposition recommandée par l’OMS depuis septembre 2021.

Au regard de cette faible efficacité du plan proposé pour la santé des grenobloises et grenoblois, la Ville de Grenoble tient à exprimer son inquiétude et à réaffirmer la volonté de viser à horizon 2027 le respect total des seuils de référence recommandés par l’OMS en 2021 à savoir pour le NO2 le seuil de 10 μg/m³ et pour les PM2,5 le seuil de 5 μg/m3 en moyenne annuelle. »

On peut ajouter que les études scientifiques des équipes universitaires grenobloises dans le programme Mobilair ne sont même pas citées ni utilisées.

« Le projet MobilAir comble cette lacune en identifiant des mesures concrètes qui permettraient de répondre aux objectifs sanitaires fixés par les décideurs de l’agglomération grenobloise. À savoir : une réduction de 67 % du taux de mortalité associé aux particules fines entre 2016 et 2030…

L’équipe a ciblé les deux secteurs locaux les plus émetteurs de particules fines : le chauffage au bois et les transports. Elle démontre que l’objectif sanitaire peut être atteint en combinant deux mesures : le remplacement de tous les équipements de chauffage au bois non performants par des poêles à granulés récents, et la réduction de 36 % du trafic des véhicules personnels au sein de l’agglomération. Concrètement, ces démarches devront s’accompagner d’aides financières aux ménages, du développement d’infrastructures (transports en commun et/ou pistes cyclables, etc.) et de programmes de sensibilisation très ciblés. »

C’est pourquoi le conseil municipal de Grenoble décide d’émettre un avis défavorable sur le projet de PPA3, car les actions et les financements de l’Etat sont insuffisants pour ramener les concentrations de polluants sous les seuils de référence recommandés par l’OMS depuis septembre 2021.

Et la Ville de Grenoble demande tout particulièrement à l’Etat :

  • « d’améliorer la rédaction du dossier qui doit être lisible, avec une partie claire sur chaque action de réduction des émissions de polluants, relative aux émissions 2019 ;
  • de détailler par EPCI de la zone PPA les principales mesures dans leurs objectifs, les moyens à mobiliser, ceux engagés par l’État et les effets escomptés ;
  • d’indiquer quelles actions du PDU 2030 de la Métropole sont intégrées dans le projet de PPA3 : notamment le Bus à Haut Niveau de Service (ex C1), le remaillage tramway et extension prévues des lignes, la mise en place du RER métropolitain, la desserte du grand sud de l’agglomération ou encore le doublement du réseau Chronovélo ;
  • d’effectuer un suivi des particules ultra fines, comme le demande l’ANSES, pour la compréhension des propriétés des PUF et de leurs effets sanitaires ;
  • de renforcer son action en matière de réglementation, de contrôle et de financement, en particulier sur les volets mobilité et chauffage au bois non performant avec notamment :
    • le soutien de l’État pour la mise en œuvre des voies réservées au covoiturage et aux transports en commun sur les principaux axes de l’agglomération et notamment la mise en œuvre rapide de la VR2+ sur l’A480 sud ;
    • le soutien de l’Etat à la pratique cyclable avec le financement des infrastructures et de l’accompagnement des publics ;
    • le soutien à la mise en place de la ZFEm avec l’accompagnement financier renforcé au report modal et au renouvellement des moteurs ou à défaut des véhicules des particuliers et des collectivités ;
    • l’accélération du déploiement du contrôle automatisé pour les zones à faibles émissions avec une nécessaire révision à la hausse des ambitions (contrôle aujourd’hui limité à 15% du trafic quotidien et à une caméra pour 40 km de voirie) ;
    • le maintien des aides sur le dispositif Prime Air Bois et la mise en œuvre rapide de l’interdiction d’utilisation et d’installation des foyers ouverts, puis des appareils non performants et la mise en œuvre rapide de l’obligation de délivrance d’un certificat de conformité des installations de chauffage lors des transactions et locations. »

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